lundi 26 juillet 2010

Genealogies of pain : aux racines de l'art.

Alors que certains remontent l'arbre de la douleur en tentant de découvrir les racines du mal, d'autres explorent les méandres de l'illustration. S'il existe bel et bien un lien entre chaque individu, une hérédité culturelle, les pratiques divergent et les stratégies en révèlent les égos.

En avril déjà, on s'interrogeait sur le statut relatif de Marilyn Manson comme artiste plasticien. Ses expositions se multipliant, le phénomène ne pouvait laisser indifférent. Depuis 2002 et sa première exposition dans un lieu alternatif de Los Angeles, passant en 2004 par le Lutetia de Paris, sa première tentative d'incursion dans le milieu de l'art contemporain ne s'est faite réellement qu'en 2008, en marge de l'Art Basel Miami. Mais depuis fin juin, c'est carrément la Kunsthalle de Vienne qui lui a tendu les bras... Une analyse poussée de sa progression professionnelle serait pertinente et dévoilerait certainement une stratégie de communication efficace. Voir ses aquarelles exposées dans un lieu reconnu aux côtés d'un Keith Haring ou autre Subodh Gupta est un vrai tournant dans sa carrière. Dommage que dans une interview on l'entende dire qu'il ne peint pas avec précision car sinon, il ferait de la photographie... Conception relativement rétrograde pour un artiste contemporain. Et dommage enfin, qu'il ait eu besoin d'inviter David Lynch (un autre outsider) à partager l'affiche par manque d'assurance...

Skoptic syndrome
Skoptic syndrome (Jack),2001

D'autres se soucient bien moins des retombées et ne visent pas de suite un solo show au Guggenheim... Pj Harvey s'est lancée sans peur et avec une grande spontanéité dans la mystérieuse aventure du dessin. Invitée par le journal littéraire Zoetrop All Story (lancé par Francis Ford Coppola), elle illustre au crayon et en sculpture (lui rappelant sans doute les oeuvres de sa mère), sans prétention, les textes de Woody Allen et Jim Shepard entre autres...

box of gulls
box of gulls, 2010

Ces deux musiciens aux multiples talents se décomplexent et nous livrent sans retenu leurs univers fantasmagoriques. Entre art brut et surréalisme, ils incarnent un nouveau regard rock sur l'art actuel, peut-être un nouveau -isme, une nouvelle vague...

vendredi 16 juillet 2010

Candyfornia.

Alors qu'en 1965, les Beach Boys entonaient un "California Girls" mémorable et historique, nous voici 35 ans plus tard, face à une Katy Perry très en forme qui avec "California Gurls" version ghetto-kitch (en hommage à Big star !) flirte avec le succès de l'été.
C'est l'univers visuel qui nous a interpellé ici. En effet, le clip montrant la chanteuse en naïade se prélassant dans un nuage de barbe à papa nous a fortement rappelé l'oeuvre de l'artiste Will Cotton.

katy perry

Même univers inspiré tant de Hansel et Gretel que de Charlie et la chocolaterie, où glaces fondantes, crémes dégoulinantes et oppulence sont légions. Mais, la gourmandise s'allie ici à la luxure... Des femmes allanguies peuplent ces décors oniriques et deviennent elles-même des friandises...

will cotton

Ce n'est pas un hasard donc si l'artiste américain fait partie de la direction artistique de ce clip dirigé par Mathew Cullen...

Quand l'art contemporain s'immice dans la pop mainstream, elle en deviendrait presque comestible...

lundi 7 juin 2010

This is how you will disappear.

De Xasthur à Gisèle Vienne... Il n'y a qu'un pas (cf. t-shirt) !

this is how you will disappear
Jonathan Capdevielle et Jonathan Schatz, photo Dennis Cooper

Pour sa nouvelle création, Gisèle Vienne, entourée notamment de l'artiste (ancien Dumb Type) Shiro Takatani, semble proposer une exploration naturaliste de la forêt. Celle-ci, devenue personnage à part entière accueillera les déambulations de trois figures. L'ensemble sous-tendu par une approche symboliste sera tenu par la prose décadente de Dennis Cooper. Et bien sûr, Stephen O' Malley orchestre et "embrasse" le corps du mystère...

Une pièce peut-être entre une oeuvre de Ivan Chichkine et une autre de Theodor Kittelsen. Entre académisme flamboyant et mélancolie spirituelle... Ce n'est pas sans rappeler ceci.

ivan chishkin

kittelsen

A Avignon en juillet et à Paris en avril 2011 au centre G. Pompidou.

mercredi 2 juin 2010

Exit.

En mars dernier, Scott Conner annoncait via son blog l'arrêt définitif de son projet Xasthur, son dernier album Portal of Sorrow à peine sorti. Malefic, dont le pseudonyme sombrerait également dans le naufrage, dans une catharsis épique, invoquerait presque les pluies lacrimales. Si son univers si singulier nous invitait à un black metal low-fi inventif et intelligent, qualifié de "funeral doom", il est temps désormais de se rendre aux réelles funérailles d'un one-man band étonnant (c'est en écoutant Burzum qu'il décida de le suivre dans ce travail solitaire).

xasthur

A l'heure où la petite Louise, celle qui toute sa vie a tenté de déconstruire le père, disparaît, la dépression, combattue par l'une, célébrée par l'autre, perd ses metteurs en scène. La bile noir nous envahit... N'était-ce pas le souhait le plus cher de Malefic ?
Que reste-t-il désormais ? Des héritiers... pas sûr ! Des side-projects... certainement.

louise bourgeois

samedi 29 mai 2010

The alive is cult - part 2

(Si vous voulez voir, voire revoir, le clip Alive de Goldfrapp, il suffit de lire ci-dessous)

A vrai dire, ce qu'il y a de fascinant dans ce clip de Goldfrapp, c'est la notion de kitsch. Certes ABBA est kitsch, comme on vous le disait dans la "part 1", mais Cradle of Filth aussi est kitsch, et pas qu'un peu (et depuis le début) ! Il est la version populaire de l'art, du Black Art, qu'est le black metal originel, norvégien et descendant d'une culture supérieure, avant-gardiste. Il en est la version industrielle, de masse si l'on se réfère à l'article "Avant-garde et kitsch" de Clement Greenberg (1939)....

cradle of filth pieta kitsch goldfrapp alive

Alors oui, Goldfrapp joue sur le kitsch dans ce clip avec les reines de l'aérobic, la prêtresse disco et les danseurs déguisés en black metalleux de seconde zone. Mais il opère aussi un formidable renversement, permettant d'élever le kitsch au rang d'avant-garde (Jeff Koons-style). Car apporter le sang bleu paillette, les tentatrices diaboliques en collants et chaussettes de danse, rendre au pentagramme sa fonction de cercle magique permettant d'atteindre le sacré par la danse rituelle, transformer le chanteur chamanique (Dan Graham-style) en maîtresse de cérémonie orgiaque (Hermann Nitsch-style), faire de la Femme Symboliste vénéneuse la véritable instigatrice du danger et de la tentation (Gustave Moreau-style), c'est donner au kitsch la possibilité de se relire sous une interprétation de culture qui ne se limite pas à "copier les effets" de l'art mais en "imite les processus".

Seul regret, que la musique ne parvienne pas à renverser les codes et demeure dans un pastiche qu'à moitié assumé. Entre le kitsch et l'avant-garde, il n'y a pas grand chose d'intéressant. Beaucoup d'insignifiant. Même "Dieu vomit les tièdes", c'est dire.... Au moins David Lachapelle l'a bien compris.

david lachapelle pieta kitsch goldfrapp alive,david lachapelle pieta kitsch goldfrapp alive

The cult is alive - part 1

Le dernier clip de Goldfrapp "Alive" équivaut à la rencontre improbable de l'univers dejanté, burlesco-gothique de Cradle of Filth avec celui kitchissime de ABBA...



En art, certains ont déjà détourné la figure du musicien black metal... Brian Kennon (ci-dessous), Tony Garifalakis... entre autres.
brian kennon

Mais seul le site brutal fucking metal ose une satire du genre en rassemblant certaines des meilleures tentatives. Le second degré fait parfois du bien (sans pour autant en oublier la finesse... d'esprit !)

matt lingo
Matt Lingo pour fix magazine

mercredi 26 mai 2010

Portrait of an american family.

Alors que la fille, starlette de clip video (d'accord, c'était pour les collègues jurassiques) s'amuse et gratouille avec ses copines, la mère, en parfaite business woman (également créatrice d'une marque de vêtements), ne s'arrète plus et enchaine les expos et les performances !
On vous parlait de son exposition personnelle à la galerie Glenn Horwitz en avril dernier, voici "Performing Guzzling" à la galerie Kerry Schuss. Kim Gordon est inarrêtable... A 57 ans, l'idée d'une retraite est impensable !

On retrouve ses peintures lettristes dégoulinantes mais également des objets et installations. Mais l'innovation du mois est la première représentation de Bad Adult : un duo bruitiste qu'elle a mis sur pied avec son amie de longue date Jutta Koether. Le soir du vernissage, la performance "The Promise of Originality" fut, on s'en doute, très attendue !

kim gordon

Après Free Kitten, Harry Crews, un quartet éponyme, Mirror Dash (duo formé avec son compagnon Thurston Moore), voici donc Bad Adult...L'exploration sonore et sonique n'a pas de limite... Cela peu impressionner mais aussi fatiguer (le musicien ou l'auditeur ?). Alors que sur un site social se regroupent les filles revendiquant "quand je serai grande, je serai Kim Gordon", on se demande si c'est le souhait de la petite Coco... Joue-t-elle d'ailleurs encore dans son groupe : Lightbulb ? En tout cas, cela promet !

dinosaur jr

Art of Noise.

Quittons Seattle et rendons-nous vers un autre berceau des mouvements rock "neo" et "post" en tout genre : New York...
Là-bas, la Whitney Biennal fait grand bruit ! Mais il y a un son plus qu'un autre qui attire notre attention. Celui strident et destructuré des guitares captées par Ari Marcopoulos.

ari marcopoulos

Né en 1957, cet artiste n'a de cesse d'analyser et questionner les milieux underground américains : skateboard, hip-hop... C'est sur que lorsque l'on commence sa carrière comme assistant d'Andy Warhol, l'exigence et la ténacité de son travail ne pouvait qu'en être meilleurs. Photographiant et filmant tout à la fois son entourage ou des phénomènes populaires puissants, il délivre avec une certaine véracité hypersensible un regard incontournable sur les Etats adolescents (dés)Unis... Après avoir travaillé longtemps aux côtés des Beastie Boys, leur construisant une imagerie devenue iconique, il rencontre aujourd'hui une institutionnalisation méritée.
Alors que la vidéo présentée au Whitney "Detroit" montre deux musiciens pré-pubères perfectionnant leur son à l'aide de pléthore de pédales, la soirée "performative" qu'il a proposé laissait place à l'improvisation "noise" relativement maitrisée d'artistes plus confirmés : Orphan, Yellow Tears, et Mirror/Dash...

kim gordon

Mais le succès a un prix... Se retrouver sur le "sac" en vente au musée ! Edition limitée (98$), signée Hilfiger...mais quand même ! Rappelons que l'on parle d'underground !

ari marcopoulos withney

samedi 22 mai 2010

Two Thieves, One Liar.

Angus Andrew, Aaron Hemphill, Julian Gross : Two thieves, one liar...

jim dine

A l'instar de l'oeuvre du même nom de l'artiste américain Jim Dine, les trois acolytes de Liars oscillent entre un primitivisme enfantin et un génie dangereux. Si Pinocchio avec son allure famélique se croit condamné à sa condition de marionnette, Angus Andrews, tout aussi désarticulé, brise les chaines, et peu importe si le nez s'allonge, le spectacle est là.
Les Liars écrivent à leur manière les pages d'un nouveau conte. Celui d'un groupe de rock frôlant avec la perfection musicale qui marie prises de risque, scansions vibrantes, rythmes hypnotiques et mélodies sublimées... Le bijou nimbé dans un écrin visionnaire, nous invite à voir au-delà de nos limites... Ouvrez le verrou et laissez-vous guider...

andrews liars

A la maroquinerie, les déambulations oniriques n'ont été cessé qu'à l'éclat brutal et censeur des lumières de la salle, qui, une fois rallumées, vous ramènent à terre... Le renard, le chat et la marionnette nous ont transportés bien plus loin que la Toscane.

ps : Inutile de préciser que deux des membres du groupe sont issus d'une école d'art ! Un rapport ?

dimanche 9 mai 2010

The worst crime is faking it.

Qui mieux que la ville de Seattle peut recevoir une exposition d'art contemporain nommée KURT?
L'intitulé est simple et incisif, si puissant qu'il se suffit à lui-même. Mais n'enferme-t-il pas dans sa brièveté sémiologique les artistes présentés ?

Si le commissaire du Musée d'art de Seattle (SAM), Michael Darling a le mérite de présenter un nombre conséquent d'oeuvres, permettant ainsi au public de mesurer l'impact immense de la musique sur les arts plastiques, il semble moins aventureux d'aborder un sujet aussi teinté d'évidence.

kurt seattle

Des artistes majeurs comme Gillian Wearing, Rodney Graham, Elizabeth Peyton, ou Banks Violette ont depuis longtemps imprégné les oeuvres de l'aura mythique des ex Fetal Matter. L'influence du groupe et de son cavalier sombre est immense et incommensurable si bien que celle-ci semble parfois caricaturale ou surfaite.
Même si l'exposition présente un éventail assez large d'artistes aussi bien locaux qu'internationaux, celui-ci ne le sera jamais suffisamment pour couvrir l'ensemble de tous ceux (plus ou moins inspiré d'ailleurs) qui à l'instar de Claude Lévêque ont donné à Kurt Cobain une incarnation esthétique nimbée de délicatesse et d'intelligence.

D'autres tentatives ont précédemment vu le jour, mais il semble néanmoins que Kurt (commençant 13/05) soit celle de la plus grande ampleur d'une part mais surtout celle de la plus grande exigence...
L'hommage semble beau, espérons qu'il ne soit pas feint. Kurt Cobain a plusieurs visages, incitant donc plusieurs interprétations comme l'a parfaitement compris ce cher Douglas Gordon.

douglas gordon cobain