vendredi 27 mai 2011

Considération inactuelle - 4 : l'obsession adolescente.

Voilà ce qu'apporte une renommée montante... Confusions et quiproquo. Connaissance des arts victime du syndrôme de Stendhal !

considerations inactuelles

Steven Shearer serait né en 2006, et exposera en 2017 et 2020 ! Il est précoce quand même !

Steven Shearer, tout un poème.

Vous en avez un peu, êtes en train, et allez surtout entendre parler de l'artiste canadien Steven Shearer...

stevenshearer
Self, Steven Shearer

Alors que la Biennale de Venise, s'apprête à ouvrir ses portes, l'artiste dévoile déjà le contenu de son pavillon. Prendre possession des lieux, l'assumer et non l'abstraire aux oeuvres, telle est son ambition.

A l'entrée du pavillon, on retrouvera un de ses abris de jardin. Elément récurrent dans sa pratique, entre ode à la vie suburbaine et fantasme adolescent du lieu secret. Bien sûr seront présentés également ses fameux Poem dont un spécifique Poem for Venice composé comme à son habitude de paroles extraites de chansons de Death Metal.

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stevenshearer1900
1900 (Man Sitting), huile sur toile, 2005

Steven Shearer est un obsessionnel, il collectionne, accumule, répète (comme l'a très bien démontré le texte A lad Insane dans le journal Particules #23). Mais pour Venise, il ne parlera pas de Leif Garret (une figure récurrente de son oeuvre, une muse). Des adolescents aux cheveux longs hanteront pourtant bel et bien l'espace.
On pourra notamment voir ou revoir la sublime peinture 1900, pièce emblématique de sa production.
Il présentera donc un ensemble de 60 dessins sous boite de verre, 12 peintures de petit format et bien sûr une installation.
Fait intéressant : les dessins qui seront présentés ont été réalisé dans un café proche de son studio qui pourtant lui offre toute la place nécessaire (1000 m2) ! S'il aime la simplicité et la spontanéité, il est à noter que lui-même est loin d'être imbus de sa personne et s'il refuse d'être photographié, c'est en parti (par timidité sans doute) pour conserver toute neutralité.

La musique coule dans ses veines vous l'aurez compris, souvenir de ses heures passées à égrener sa guitare dans le sous-sol de la maison familiale, sous-sol qui lui a également servi à aiguiser son coup de crayon. Et c'est tout naturellement que le journal C.S (fanzine mêlant art contemporain et musique extrême) l'a invité, à la suite du numero 2 consacré à Elodie Lesourd et sa relation au Black metal, pour son nouveau numéro.

c.s. journal

journal C.S. , issue #3

Vous n'avez pas fini d'entendre parler de Steven Shearer (en 2013, la National Gallery de Londres s'offre à lui). Enfin !!! Et tant mieux !

samedi 23 avril 2011

P. J. Harvey is the King of the limbs.

C’est le problème d’être en avance. Les autres vous reprochent toujours de leur montrer leur retard.

radiohead the king of the limbs

pj harvey let england shake

vendredi 22 avril 2011

Halloween : un film de Zombie.

Quoi de plus naturel pour un musicien que de faire des reprises ? C’est le moyen d’apprendre à jouer lorsque l’on débute, c’est une manière de produire un hommage à ses pères, c’est aussi une des meilleures façons, paradoxalement, d’apposer sa patte et de construire sa singularité.
Seulement, il semblerait qu'il y ait des standards, des intouchables, des chansons que l'on ne peut, ne doit, pas reprendre. Celles qui se sentent orphelines, défigurées, par l'odieux qui ose profaner le temple. Celles qui relèvent du sacré, que l'on ne doit pas approcher et qui vous terrorisent. Alors, Halloween fait-il partie de cette catégorie ? Difficile à dire. Une chose est sûre cependant. Rob Zombie a d'abord repeint le premier épisode, version remaster, dans laquelle on retrouve la même différence qu'il y a entre le premier album éponyme de Suicidal Tendencies (1983) et sa version revigorée Still Cyco After All These Years (1993) : Rob Zombie a changé le line-up, ajouté une seconde guitare et pris R. Trujillo à la basse.... Après, il y a toujours les nostalgiques du bon vieux modèle "old-school"....

Halloween
Halloween - Rob Zombie (2007)

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Halloween - John Carpenter (1978)

Pour le second épisode, il a agit de manière légèrement différente : prenez un classique, genre Smells like teen spirit et faites-en une reprise. Il y a ceux qui en font quelque chose de magique (Tori Amos), il y a ceux qui n'auraient pas dû (Paul Anka) et il y a ceux qui arrivent un peu tard mais à qui on pardonne tout parce que c'est eux (Patti Smith). Rob Zombie l'a choisie acoustique, planante et onirique sur les couplets avec des refrains bien lourds (version Metallica). Et bien que ce soit le coup classique de la reprise qui tente le contre-pied de l'originale tout en essayant de garder son style, cela fonctionne malgré tout et on se laisse surprendre à taper du pied en rythme.

Halloween 2 - Rosenthal
Halloween 2 - Rick Rosenthal (1981)

Halloween 2
Halloween 2 - Rob Zombie (2009)

Le plus surprenant finalement, n'est-il pas que, dans beaucoup de reprises, il suffit de changer le titre pour qu'elles deviennent vôtre (ou ne garder que le titre pour simuler la reprise....) ? Halloween I et II sont définitivement des films de Zombie. Il vient déterrer les cadavres, les maquillent, les emmènent danser, leur fait passer une charmante nuit, leur promet de les épouser et les remet dans un cercueil différent. Ah, romantisme quand tu nous tiens....

jeudi 21 avril 2011

Rock the Casbah.

On a vu un vent rock souffler sur les galeries et centres d'art parisiens (Echoes au Centre Culturel Suisse, Musique Plastique à la Galerie du Jour), on ressent également quelques brises sur Dijon (one +one). Mais l'oeil du cyclone reste, comme souvent, à New York.

Looking at Music 3.0 présentée au MOMA, est une plongée dans la contre-culture des années 1980-90 et propose une observation exigente de sa récupération par les arts visuels. 70 oeuvres d'artistes aussi divers que Christian Marclay, les Beastie Boys, Run DMC, David Byrne ou John Zorn sont présentés sans principe hiérarchique. Plus que le rock lui-même, il s'agit de voir ici comment la musique et l'art se nourrissent mutuellement. Ces deux décennies ont surtout été marquées par l'emploi grandissant de nouvelles technologies (samples, synthétiseurs) et les notions inhérentes à de telles pratiques, tel que le remix, ont vite été récupérées comme processus intellectuel dans nombre d'oeuvres. La volonté expérimentale de ces musiciens est l'essence même de la force créatrice de cette époque.

Brian Eno david byrne
Brian Eno and David Byrne. My Life in the Bush of Ghosts. 1981. 12-inch record sleeve.

Autre lieu, autre expo : Europunk à la Villa Medicis à Rome qui vient de se clore mais qui sera montrée d'ici peu au MAMCO à Genève. Il n'est pas question seulement d'art contemporain ici mais plutôt d'une lecture sociologique, voire anthropologique, d'un mouvement culte qui semblait pourtant insaisissable... L'initiative est louable mais pose quand même des questions. Le punk qui s'intitutionnalise, cela fait drôle !

Jamie Reid
Poster de Jamie Reid

Le rock n'a pas expiré son dernier souffle. Il insuffle chez les artistes, et même au coeur des institutions, cet air qui nous reste éperdument dans la tête.

vendredi 15 avril 2011

Found Flower Looking.

Le mois dernier, les fashionistas se rassemblaient pour découvrir les dernières créations des grands noms mais aussi des jeunes pousses de la mode. Nouvelle occasion pour voir comment la haute couture fait les yeux doux à l'art. La chose n'est pas nouvelle mais les rapprochements avec l'art contemporain s'affirment. Chaque fashion week est un événement en soi et entraîne dans son sillage nombre d'événements artistiques, on parle même désormais de "Art Week". Beaucoup de galeries proposent des vernissages, des artistes ont une soudaine envie de performances et les soirées arty sont légions.

Mais au-delà de ces croisements factuels, il y a ceux qui produisent ou tentent de produire du sens.
Derniers en date : les efforts de Maia Norman, qui n'est autre que la femme de Damien Hirst. A la tête de Mother of Pearl, elle propose pour l'été des tenues légères et finement conçues dont le graphisme reprend des oeuvres de Jim Lambie. Abusant du all-over, ces créations ne trahissent pas l'univers coloré, franc et décalé de l'artiste.

motherofpearl

On retrouve donc imprimées des pièces maitresses de ses dernières productions comme ‘Acid Perm’ ou les magnifiques ‘Found Flower Paintings’.
L'écossais n'en est pas à son premier essai. On se souvient de ses baskets "oculaires" chez Adidas...

jim lambie adidas

Ce jeux est toutefois pernicieux et interroge. L'oeuvre quitte son statut et devient, on en parlait récemment, un simple motif.
Quant on sait que les référents de Jim Lambie proviennent de la culture populaire, de la low culture, son oeuvre ne risque-t-elle pas alors l'étiolement ? Les fleurs ne risquent-elles pas de se fâner même figées sur de la crêpe de Chine ? Il semble heureusement que la puissance de ce travail l'en protège largement !

jeudi 31 mars 2011

Logo upon logo upon logo.

La question du motif se pose dans tout désir créatif. Cette forme esthétique qui induit une lecture peut être répétée, reprise de façon régulière ou non. C'est avant tout l'invention d'un signe, une intention portant un discours. Il est celui qui pousse à agir mais parfois pas pour de bonnes raisons.

Le logo de groupe, entité graphique à part entière, acte volontaire, connait une existence prolongée au-delà même du champ musical. Il est devenu un motif, décoratif parfois, réflexif dans certains cas, et se voit réutilisé sans retenu dans des domaines aussi variés que l'art, la mode, la déco...

Le réceptacle le plus sur pour un tel motif reste celui de l'art contemporain : Jay Heykes, Andrea Mastrovito, Ryan Humphrey, ou encore Jo-Anne Balcaen l'ont analysé à leur manière, le maltraitant parfois, l'utilisant toujours comme support de la pensée... Matias Faldbakken, avec un détachement feint, parvient à l'inclure de façon habile et intelligente à un travail minimalisant.

matias faldbakken
Matias Faldbakken, Untitled (slayer upon slayer upon slayer), 2007

ryan humphrey
Ryan Humphrey, Helter Skelter, 2010

Mais cette surenchère de récupération s'use, et finirait presque par lasser. Et l'on s'abstiendra d'analyser le geste d'H&M qui propose des t-shirts des Ramones et autre Motorhead à bas prix !
Le designer Pierre Blanc, et son garage, signe peut-être l'arrêt de mort du logo et de son utilisation décalée. Cette série initiée en 2009 présente des vases en céramique ornés du mythique crâne des Misfits ou du légendaire et imposant Kiss et sa fonte de caractères si reconnaissable... Le téléscopage un peu forcé n'étonne plus et le rendu, même s'il peut faire sourire, ne marquera pas davantage les esprits.

pierre blanc

Là où il est question de vie et de mort du logo... La résurrection avant la mort ne découle pas forcément d'un miracle.

lundi 28 février 2011

Kanye West- George Condo-léances.

Alors que Kanye West batifolait avec Takashi Murakami en 2007, il se tourne fin 2010 vers George Condo pour la réalisation de son dernier album My beautiful Dark Twisted Fantasy... Nait alors une nouvelle amitié.

my beautiful dark twisted fantasy

Kanye se fait modèle, Condo explore le cubisme, les thèmes classiques, shakespeariens et religieux. Un ensemble de 9 peintures a été réalisé, 5 seront conservées pour l'artwork de l'album. La pochette, choisie par le rappeur, fut censurée... Ce qui arrangea sans doute ce dernier !

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Une collaboration aux allures de commande entre mécène et artiste qui permet aux deux protagonistes un retour sur le devant de la scène ! Quoique, l'artiste George Condo, ouvrant son exposition personnelle Mental States au New Museum de New York semblait pouvoir se passer de ce coup de pouce... (surtout quant on voit comment les graphistes ont recadré l'oeuvre originale !)

george condo-west

lundi 21 février 2011

Joao Onofre : nouvelle Anésidora.

Le Palais de Tokyo ferme (ses salles d'exposition pour travaux) et d'autres enferment...
Dans le hall et jusqu'à fin mars, un cube de 183 cm de côté s'impose et expose par moment les restes de performances. L'oeuvre Box Sized Die de Joao Onofre consiste bien en une boite, celle de pandore ou surréaliste, qui devient, le temps de performances sportives, une scène particulière.

die joao onofre

Cette pièce est directement influencée par l'oeuvre de 1962 Die de Tony Smith. Le cube minimal, pièce majeure dans le travail de l'artiste américain, et bien que fabriquée industriellement, apparait comme un monument. Mais sa dimension (qui équivaut environ à celle d'un homme) en fait un bien modeste monument. L'oeuvre nous invite surtout à reconsidérer l'espace, notre rapport à celui-ci par le biais de l'art. Son titre pourtant laisse un certain mystère. S'il est un dé, on questionnera notre perception des choses et notre condition propre, mais s'il évoque la mort, sommes-nous face à un tombeau...?

die2
Darkmoon prépare son "concert"

Cette piste mortifère aura sans doute marqué profondément ce jeune artiste portugais. En effet, depuis 2007, Joao Onofre redonne à ce cube une fonction et nous dévoile son contenant. Il y place en effet à chaque fois des groupes de Death metal locaux (selon le lieu d'exposition de la pièce) qui, malgré des conditions extrêmes, jouent un set jusqu'à ce qu'ils en viennent à manquer d'air (le record étant de 20 mn). Le cube garde son mystère pendant la durée de la performance dont seuls quelques tremblements, souffles et sonorités s'échappent. Il parvient ainsi à animer un objet mort, à donner à une sculpture une dimension expérimentale palpable. Mais surtout, en choisissant des groupes de ce genre extrême, il donne une lecture macabre et peut-être redondante à l'oeuvre référante. Avec le death metal où tout n'est qu'asphyxie, peur, et aggression, par renversement tautologique, il fait finalement subir aux musiciens eux-mêmes l'essence même de leur musique...

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No Return se produira tous les jeudis durant la période d'exposition de l'oeuvre à Paris.

Colophon géographique du Death Metal au service de Box sized Die:
No return à Paris
Gorod à Bordeaux
Darkmoon à Bale
Konkhra à Copenhage
Sacred Sin à Lisbonne
Xenolith à Tel Aviv
Vidres a la sang à Barcelone

vendredi 28 janvier 2011

le lac mort de Nico Vascellari.

Alors qu'hier avait lieu le vernissage de la première exposition française en galerie de l'italien Nico Vascellari, il est temps pour nous de dresser le portrait de l'artiste en musicien...

Le lac est mort comme le sommet de cette montagne dont il a récupéré la puissance esthétique et sonore en la coulant en bronze. Une sculpture monolithe se dresse au centre de la galerie et devient le temps d'une performance l'instrument d'un rituel orchestré. Nico Vascellari se souvient de son affinité avec les thèmes morbides qu'il conceptualise aujourdhui et transpose dans la sphère de l'art contemporain. Ils viennent de ses amours de jeunesse, de sa passion pour le metal et la musique hardcore. Chanteur du groupe noise With Love, il capture, dessine, emmagasine ses expériences scéniques. Puis il quitte le dispositif du chanteur pour incarner celui du performer. En 2003, dans une galerie de Florence, accompagné de son groupe, il présente une performance intitulée A great Circle. En 2006, c'est timidement qu'il montre une série d'oeuvres, vidéos et performances, inspirées du groupe Slayer.

vascellari
de gauche à droite : N. Vascellari, Stephen O'Malley, John Wiese

Mais petit à petit, avec les With Love, les performances se radicalisent, se précisent. Certaines voient la créations de costumes spécifiques, d'autres sont réalisées en collaboration avec des musiciens incontournables comme John Wiese ou Stephen O Malley pour la Biennale de Venise de 2007 par exemple. Les lieux de monstration sont parfois incongrus comme dans un hotel. Mais en 2009, avec son groupe hardcore Largo Morto, il mène un projet collectif particulier dans sa ville natale et pousse le concept d'incongruité plus loin: 15 concerts pendant 15 jours, tour à tour dans des laveries, librairies, boutique de cd, bars... Ce projet a été ensuite présenté à la Kunsthalle de Graz sous forme d'installation vidéo. En 2010, il monte enfin le groupe Ninos do Brasil, dont la musique mélange des sonorités typiquement brésilienne à une noise explosive sur fond de hardcore avec lequel il donne une performance instinctive et décadente pour l'ouverture d'un nouvel espace en Italie.

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Ninos do Brasil, 2010

Nico Vascellari est très productif et son oeuvre protéiforme suit de près ses expériences musicales souvent fondées sur un principe fédérateur et sur des opportunités de socialisation. S'il a d'abord été musicien, on comprend vite aujourd'hui que sa pratique performative s'inspire largement de ces expériences musicales passées et que ces différents groupes qu'il fait bourgeonner ça et là sont en réalité l'expression d'une démarche riche et singulière. Il y a dans tout cela suffisamment de mystère, d'impulsions sacrées et de dévotion pour faire de cet artiste un chaman moderne. Un chaman qui risque pourtant à chaque instant de se noyer dans tous ses symboles...