mercredi 16 décembre 2009

Du crâne à la ligne.

Le metal, dans son acceptation la plus large, est un genre dont le graphisme des pochettes a une importance toute particulière. Comme pour beaucoup, son univers visuel s'enracine et se confond avec le musical. Mais un nombre important de pochettes privilégie l'illustration, la peinture, autrement dit la participation et l'implication humaine. Les graphistes deviennent des artistes... les artistes deviennent par la force des choses des illustrateurs. Bien sûr, certains comme Larry Caroll (Slayer...), Ed Repka (Death...), Derk Riggs (Maiden...), Vincent Locke (Cannibal Corpse), ou Andreas Marschall (Obituary...) ont défini des codes identifiables et balisés faits de heroic fantasy, science-fiction, scènes macabres, mythologies... S'il est vrai que l'histoire de la pochette dans le heavy metal pourrait sembler figée, au regard de l'apparition de sub-genres, celle-ci évolue quelque peu. Ce milieu n'est pas fait que de zombies, squelettes, cadavres déchiquetés, croix, boucs... Le champ sémantique s'élargit au même rythme que la palette sonore. Des nouveaux courants apportent de nouveaux visuels...

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Death - Scream Bloody Gore - 1987 - artwork : Ed Repka

En effet des groupes comme Isis, Pelican, Boris, Sunn O))) voient l'avènement d'un nouveau graphisme, plus sophistiqué, plus intuitif, frôlant parfois avec l'abstraction... Les ossements ne sont pas pour autant mis au placard mais il faut bien avouer que le style s'enrichit avec finesse et intelligence. Le problème, qui ne semble pas nouveau pourtant dans le milieu, c'est la récurrence des mêmes auteurs et du coup la standardisation d'un même style. Justin Bartlett ou Seldon Hunt envahissent quelque peu le territoire. Remontons un peu dans le temps et prenons l' exemple de Necrolord. Ce talentueux illustrateur suédois a, par la grande visibilité de son travail, noyé l'identité des groupes. Par la reproduction systematisée de son style, on assiste à l'effacement de la spécificité... N'achetez pas le même jour Sacramentum, Necrophobic, Morgana Lefay, Dissection, Dark Funeral et Emperor, vous aurez l'impression d'avoir 6 fois le même disque... Bartlett et Hunt sont comme des princes, des expositions leur sont même consacrées... S'il est vrai que leur syle respectif (d'un dessin ciselé, englué dans un noir saignant à une abstraction numérisée et complexe) fait d'eux des créateurs à part entière, leur statut n'est pas celui d'un artiste.

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TYRANT - Hell to pay - 2008 - artwork:Justin Bartlett

Si, à l'instar de Chuck Schuldiner (ayant réalisé le logo de Death, son propre groupe), Stephen O'Malley, Aaron Turner (de Isis) délaissent le manche de guitare pour les pinceaux (ou le stylet), il est appréciable de voir ces musiciens être impliqués dans l'architecture visuelle. Sans aucune complaisance mais d'une manière peut-être plus détachée, ils déambulent dans des méandres esthétiques plus librement. Cette nouvelle génération d'illustrateur est assez prometteuse (notamment avec Arik Roper) en ce qu'elle parvient à enrichir le genre pourtant très caricatural (croit-on). L'illustration est un art qui n'en est pas un. Si peu de groupes trouvent dans l'art contemporain un ambassadeur esthétique (à part, et citons les encore un peu plus, Sunn O))), avec Monoliths & Dimensions), beaucoup ont trouvé chez les classiques un étendard. Gustave Doré, Albrecht Dürer, William Blake sont très "metal" finalement... D'autres ont préféré le charme et le charisme d'illustrateurs du XIXe comme Burzum avec Kittelsen... On s'étonne dès lors que des illustrateurs comme Albín Brunovský ou Harry Clarke n'aient pas connu un adoubement musical. La frontière est finalement bien spongieuse entre toutes ces sphères. Mais les intérets premiers sont pourtant si éloignés.

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Harry Clarke

Enfin, et par phénomène de répercussion, certains artistes contemporains s'inspirent largement de cette imagerie foisonnante comme par exemple l'excellent Jay Heikes, et par palingénésie, on pourrait voir les frères Quistrebert être appelés à leur tour.
Rejouissons-nous enfin de cette lente mais certaine évolution du graphisme dans la musique metal. Il faut apprendre à voir où le mal se cache... Il est ce baphomet menacant mais peut aussi se cacher derrière une simple ligne droite...

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Quistrebert bros - Diablotin Fuyant - 2008

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