mardi 31 mai 2011

Liturgy - Apophatism Black Metal.

En octobre dernier, on se demandait si le groupe américian Liturgy ne pouvait pas être le nouveau visage du Black Metal... La réponse définitive, entière, certaine et indubitable est affirmative.

Leur nouvel album Aesthethica (mal orthographié une fois sur deux) est tout simplement une révélation, quasiment une théophanie. Rares sont les moments comme ceux là où les choses semblent si évidentes. Enfin un groupe qui pousse les limites de la musique, qui réinvente les genres supposément connus, qui fait avancer l'histoire en somme.
Enchainant brillamment les morceaux, du puissant High Gold à l'intense souffle instrumental Generation (quasiment un seul et même accord sur 7 mn), les obsédants chants liturgiques laissent place aux constructions mathématiques et complexes de Sun Light, laissant glisser ensuite le lubrique Red Crown, l'album est si intelligemment construit qu'il interroge à chaque note nos croyances les plus profondes.
Si la musique est savante, elle n'en est pas moins sensible.

aesthethica

Aesthethica tente une combinaison de l'esthétique, du beau à l'ethique, le bon, et reprend ainsi Wittgenstein pour qui les deux "ne font qu'un". Au regard de la pochette, réalisée par Hunter Hunt-Hendrix, le chanteur, le bon correspondrait à la croix latine, et le beau serait la croix inversée. Voir la beauté dans le mal et la révéler serait l'ambition principale du groupe ou comment, en réinvantant les codes du Black Metal (apophatisme), ils parviennent à acceder à une certaine idée de la transcendance (notion inhérente au groupe lui-même).
L'écoute de cette oeuvre s'apparente à une vision intellectuelle, ébranlant jusqu'à nos facultés d'entendement.


Returner - Liturgy - clip réalisé par l'artiste Zev Deans

En attendant une prochaine tournée en France à la rentrée, on a pu goûter aux rejouissances sonores de Hunter Hunt-Hendrix lors d'une performance puissante qu'il a donnée à la galerie Olivier Robert en début de mois. Un veritable lucernaire avant la grand-messe...

Pere Ubu - Rhys Chatham - American Rock Kings.

John Lennon se demandait comment entrer dans l'histoire (en étant plus célèbre que Jésus par exemple), il s'oppose toutefois à la muséification en affirmant que dès qu'on l'aura mis dans un musée, tout sera fini. Contradictoire ?

Le rock a fini, au dépend de sa contemporanéité, par s'institutionnaliser, passant de la sous-culture au monde élististe et bien pensant. Ses memorabilia et autres objets cultes (même des places de concerts le sont) deviennent des reliques à vénérer, placer sous cloches de verre. Mais, finalement, le culte de la personnalité incarné par les icônes rock n'est qu'une amorce logique à la fétichisation et du coup à l'entrée du rock dans les musées.
On se demande alors si le rock ne voit pas à nouveau sa mort refaire surface...

A ce sujet, Stéphane Malfettes a réalisé entre février et avril 2011 un "American Rock Trip", un périple musical et muséal de Seattle à New York, dans le but de visiter pas moins de 30 institutions dédiées aux cultures populaires, du mythique Rock and Roll Hall of Fame au sinistre Roy Orbison Museum. Son périple passionnant qui fera vraisemblablement l'objet d'un livre, est résumé en quelques étapes clés ici.

american rock trip
Itinéraire de l'American Rock Trip de Stephane Malfettes

Il raconte par exemple sa rencontre improbable au Thomas Edison Birthplace Museum avec Robert Wheeler de Pere Ubu qui n'est autre que le directeur du musée en sa qualité d'arrière-arrière-petit-neveu.

En parlant de Pere Ubu, on constate que les oeuvres muséales peuvent être juste sous nos yeux...
Deux icônes No Wave se sont produits tels des mirages fulgurants sur la péniche du Batofar Rhys Chatham et Pere Ubu...

pere ubu
David Thomas de Pere Ubu au Batofar

Rhys Chatham
Rhys Chatham n'a pas toujours besoin de 100 guitares

lundi 30 mai 2011

Palingénésie-1.

Glenn branca
Glenn Branca jouant sur une guitare à deux corps (2007) permettant selon lui d'obtenir, grâce à la longueur des cordes, des harmonies spécifiques amplifiées par les doubles micros.

Bas Koopmans
Bas Koopmans, Stereo, 2009

naama tsabar
Naama Tsabaar, Doublecherryburst, 2010

N'est pas toujours artiste celui que l'on croit...

vendredi 27 mai 2011

Considération inactuelle - 4 : l'obsession adolescente.

Voilà ce qu'apporte une renommée montante... Confusions et quiproquo. Connaissance des arts victime du syndrôme de Stendhal !

considerations inactuelles

Steven Shearer serait né en 2006, et exposera en 2017 et 2020 ! Il est précoce quand même !

Steven Shearer, tout un poème.

Vous en avez un peu, êtes en train, et allez surtout entendre parler de l'artiste canadien Steven Shearer...

stevenshearer
Self, Steven Shearer

Alors que la Biennale de Venise, s'apprête à ouvrir ses portes, l'artiste dévoile déjà le contenu de son pavillon. Prendre possession des lieux, l'assumer et non l'abstraire aux oeuvres, telle est son ambition.

A l'entrée du pavillon, on retrouvera un de ses abris de jardin. Elément récurrent dans sa pratique, entre ode à la vie suburbaine et fantasme adolescent du lieu secret. Bien sûr seront présentés également ses fameux Poem dont un spécifique Poem for Venice composé comme à son habitude de paroles extraites de chansons de Death Metal.

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stevenshearer1900
1900 (Man Sitting), huile sur toile, 2005

Steven Shearer est un obsessionnel, il collectionne, accumule, répète (comme l'a très bien démontré le texte A lad Insane dans le journal Particules #23). Mais pour Venise, il ne parlera pas de Leif Garret (une figure récurrente de son oeuvre, une muse). Des adolescents aux cheveux longs hanteront pourtant bel et bien l'espace.
On pourra notamment voir ou revoir la sublime peinture 1900, pièce emblématique de sa production.
Il présentera donc un ensemble de 60 dessins sous boite de verre, 12 peintures de petit format et bien sûr une installation.
Fait intéressant : les dessins qui seront présentés ont été réalisé dans un café proche de son studio qui pourtant lui offre toute la place nécessaire (1000 m2) ! S'il aime la simplicité et la spontanéité, il est à noter que lui-même est loin d'être imbus de sa personne et s'il refuse d'être photographié, c'est en parti (par timidité sans doute) pour conserver toute neutralité.

La musique coule dans ses veines vous l'aurez compris, souvenir de ses heures passées à égrener sa guitare dans le sous-sol de la maison familiale, sous-sol qui lui a également servi à aiguiser son coup de crayon. Et c'est tout naturellement que le journal C.S (fanzine mêlant art contemporain et musique extrême) l'a invité, à la suite du numero 2 consacré à Elodie Lesourd et sa relation au Black metal, pour son nouveau numéro.

c.s. journal

journal C.S. , issue #3

Vous n'avez pas fini d'entendre parler de Steven Shearer (en 2013, la National Gallery de Londres s'offre à lui). Enfin !!! Et tant mieux !

samedi 23 avril 2011

P. J. Harvey is the King of the limbs.

C’est le problème d’être en avance. Les autres vous reprochent toujours de leur montrer leur retard.

radiohead the king of the limbs

pj harvey let england shake

vendredi 22 avril 2011

Halloween : un film de Zombie.

Quoi de plus naturel pour un musicien que de faire des reprises ? C’est le moyen d’apprendre à jouer lorsque l’on débute, c’est une manière de produire un hommage à ses pères, c’est aussi une des meilleures façons, paradoxalement, d’apposer sa patte et de construire sa singularité.
Seulement, il semblerait qu'il y ait des standards, des intouchables, des chansons que l'on ne peut, ne doit, pas reprendre. Celles qui se sentent orphelines, défigurées, par l'odieux qui ose profaner le temple. Celles qui relèvent du sacré, que l'on ne doit pas approcher et qui vous terrorisent. Alors, Halloween fait-il partie de cette catégorie ? Difficile à dire. Une chose est sûre cependant. Rob Zombie a d'abord repeint le premier épisode, version remaster, dans laquelle on retrouve la même différence qu'il y a entre le premier album éponyme de Suicidal Tendencies (1983) et sa version revigorée Still Cyco After All These Years (1993) : Rob Zombie a changé le line-up, ajouté une seconde guitare et pris R. Trujillo à la basse.... Après, il y a toujours les nostalgiques du bon vieux modèle "old-school"....

Halloween
Halloween - Rob Zombie (2007)

Photobucket
Halloween - John Carpenter (1978)

Pour le second épisode, il a agit de manière légèrement différente : prenez un classique, genre Smells like teen spirit et faites-en une reprise. Il y a ceux qui en font quelque chose de magique (Tori Amos), il y a ceux qui n'auraient pas dû (Paul Anka) et il y a ceux qui arrivent un peu tard mais à qui on pardonne tout parce que c'est eux (Patti Smith). Rob Zombie l'a choisie acoustique, planante et onirique sur les couplets avec des refrains bien lourds (version Metallica). Et bien que ce soit le coup classique de la reprise qui tente le contre-pied de l'originale tout en essayant de garder son style, cela fonctionne malgré tout et on se laisse surprendre à taper du pied en rythme.

Halloween 2 - Rosenthal
Halloween 2 - Rick Rosenthal (1981)

Halloween 2
Halloween 2 - Rob Zombie (2009)

Le plus surprenant finalement, n'est-il pas que, dans beaucoup de reprises, il suffit de changer le titre pour qu'elles deviennent vôtre (ou ne garder que le titre pour simuler la reprise....) ? Halloween I et II sont définitivement des films de Zombie. Il vient déterrer les cadavres, les maquillent, les emmènent danser, leur fait passer une charmante nuit, leur promet de les épouser et les remet dans un cercueil différent. Ah, romantisme quand tu nous tiens....

jeudi 21 avril 2011

Rock the Casbah.

On a vu un vent rock souffler sur les galeries et centres d'art parisiens (Echoes au Centre Culturel Suisse, Musique Plastique à la Galerie du Jour), on ressent également quelques brises sur Dijon (one +one). Mais l'oeil du cyclone reste, comme souvent, à New York.

Looking at Music 3.0 présentée au MOMA, est une plongée dans la contre-culture des années 1980-90 et propose une observation exigente de sa récupération par les arts visuels. 70 oeuvres d'artistes aussi divers que Christian Marclay, les Beastie Boys, Run DMC, David Byrne ou John Zorn sont présentés sans principe hiérarchique. Plus que le rock lui-même, il s'agit de voir ici comment la musique et l'art se nourrissent mutuellement. Ces deux décennies ont surtout été marquées par l'emploi grandissant de nouvelles technologies (samples, synthétiseurs) et les notions inhérentes à de telles pratiques, tel que le remix, ont vite été récupérées comme processus intellectuel dans nombre d'oeuvres. La volonté expérimentale de ces musiciens est l'essence même de la force créatrice de cette époque.

Brian Eno david byrne
Brian Eno and David Byrne. My Life in the Bush of Ghosts. 1981. 12-inch record sleeve.

Autre lieu, autre expo : Europunk à la Villa Medicis à Rome qui vient de se clore mais qui sera montrée d'ici peu au MAMCO à Genève. Il n'est pas question seulement d'art contemporain ici mais plutôt d'une lecture sociologique, voire anthropologique, d'un mouvement culte qui semblait pourtant insaisissable... L'initiative est louable mais pose quand même des questions. Le punk qui s'intitutionnalise, cela fait drôle !

Jamie Reid
Poster de Jamie Reid

Le rock n'a pas expiré son dernier souffle. Il insuffle chez les artistes, et même au coeur des institutions, cet air qui nous reste éperdument dans la tête.

vendredi 15 avril 2011

Found Flower Looking.

Le mois dernier, les fashionistas se rassemblaient pour découvrir les dernières créations des grands noms mais aussi des jeunes pousses de la mode. Nouvelle occasion pour voir comment la haute couture fait les yeux doux à l'art. La chose n'est pas nouvelle mais les rapprochements avec l'art contemporain s'affirment. Chaque fashion week est un événement en soi et entraîne dans son sillage nombre d'événements artistiques, on parle même désormais de "Art Week". Beaucoup de galeries proposent des vernissages, des artistes ont une soudaine envie de performances et les soirées arty sont légions.

Mais au-delà de ces croisements factuels, il y a ceux qui produisent ou tentent de produire du sens.
Derniers en date : les efforts de Maia Norman, qui n'est autre que la femme de Damien Hirst. A la tête de Mother of Pearl, elle propose pour l'été des tenues légères et finement conçues dont le graphisme reprend des oeuvres de Jim Lambie. Abusant du all-over, ces créations ne trahissent pas l'univers coloré, franc et décalé de l'artiste.

motherofpearl

On retrouve donc imprimées des pièces maitresses de ses dernières productions comme ‘Acid Perm’ ou les magnifiques ‘Found Flower Paintings’.
L'écossais n'en est pas à son premier essai. On se souvient de ses baskets "oculaires" chez Adidas...

jim lambie adidas

Ce jeux est toutefois pernicieux et interroge. L'oeuvre quitte son statut et devient, on en parlait récemment, un simple motif.
Quant on sait que les référents de Jim Lambie proviennent de la culture populaire, de la low culture, son oeuvre ne risque-t-elle pas alors l'étiolement ? Les fleurs ne risquent-elles pas de se fâner même figées sur de la crêpe de Chine ? Il semble heureusement que la puissance de ce travail l'en protège largement !

jeudi 31 mars 2011

Logo upon logo upon logo.

La question du motif se pose dans tout désir créatif. Cette forme esthétique qui induit une lecture peut être répétée, reprise de façon régulière ou non. C'est avant tout l'invention d'un signe, une intention portant un discours. Il est celui qui pousse à agir mais parfois pas pour de bonnes raisons.

Le logo de groupe, entité graphique à part entière, acte volontaire, connait une existence prolongée au-delà même du champ musical. Il est devenu un motif, décoratif parfois, réflexif dans certains cas, et se voit réutilisé sans retenu dans des domaines aussi variés que l'art, la mode, la déco...

Le réceptacle le plus sur pour un tel motif reste celui de l'art contemporain : Jay Heykes, Andrea Mastrovito, Ryan Humphrey, ou encore Jo-Anne Balcaen l'ont analysé à leur manière, le maltraitant parfois, l'utilisant toujours comme support de la pensée... Matias Faldbakken, avec un détachement feint, parvient à l'inclure de façon habile et intelligente à un travail minimalisant.

matias faldbakken
Matias Faldbakken, Untitled (slayer upon slayer upon slayer), 2007

ryan humphrey
Ryan Humphrey, Helter Skelter, 2010

Mais cette surenchère de récupération s'use, et finirait presque par lasser. Et l'on s'abstiendra d'analyser le geste d'H&M qui propose des t-shirts des Ramones et autre Motorhead à bas prix !
Le designer Pierre Blanc, et son garage, signe peut-être l'arrêt de mort du logo et de son utilisation décalée. Cette série initiée en 2009 présente des vases en céramique ornés du mythique crâne des Misfits ou du légendaire et imposant Kiss et sa fonte de caractères si reconnaissable... Le téléscopage un peu forcé n'étonne plus et le rendu, même s'il peut faire sourire, ne marquera pas davantage les esprits.

pierre blanc

Là où il est question de vie et de mort du logo... La résurrection avant la mort ne découle pas forcément d'un miracle.