dimanche 1 mars 2009

Gregory Crewdson : Beneath the remains.

Les photographies de Gregory Crewdson ont l'énorme avantage de tout dire en peu de mots, voire, plus précisément, dans un silence complet et total. Paysages désertés ou acteurs immobiles, rien n'y fait, tout se passe dans le calme et l'absence de tout. Les explications deviennent superflu tant tout est limpide, tant les compositions se passent aisément de tout commentaire. Comme pour un film de Lynch dont les univers sont contigus. Représentant de ce que l'on a appelé la photographie picturale emmenée par Jeff Wall, Gregory Crewdson a su créer une atmosphère à la fois hautement singulière et étrangement familière (on peut naturellement évoquer Edward Hopper, Stephen King, René Magritte, Wes Anderson dans ses influences immédiates et déclarées). Si les oeuvres possèdent une force inhérente indéniable, il demeure, telle une persistance rétinienne encombrante, un sentiment, non pas de déjà-vu, mais de reconnaissance qui peut troubler, déranger parfois.
il est tout à fait logique pour le guitariste punk des Speedies de prêter son art à des pochettes telles que le And Then Nothing turned itself inside-out des Yo la Tengo ou inspirer celle du Fur & Gold des Bat for Lashes. Comme on le disait, ses images ont l'énorme avantage d'être immédiates dans l'ambiance qu'elles imposent comme dans leur appréhension. Et laissent sans voix...

Exposition Beneath the roses, du 28 février au 25 avril 2009, Galerie Daniel Templon, Paris.

Production Still (the Father 02) :
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And then nothing turned itself inside-out :
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Fur & Gold :
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Zap :
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jeudi 5 février 2009

Double assassinat dans la rue morgue.

A l'heure où certains pensent qu'il suffit de ramener une guitare et un ampli dans une galerie d'art pour faire une "performance", il est de bon ton de rappeler que la bible performative L'Acte pour l'Art (éd. Al Dante) d'Arnaud Labelle-Rojoux est non seulement disponible mais absolument indispensable à lire....
Alors non, c'est sûr, les "performances" de Lux Interior sur scène n'étaient pas des actes artistiques désirés comme tels mais bien plutôt une manifestation, une ex-istence des pulsions bouleversées qui constituent les fondements du Rock'n'Roll. S'il connaissait inconsciemment les codes de la performance (comme Johnny Rotten pressent le situationnisme), le charismatique leader des Cramps ne recherchait pas la transcendance artistique. S'il l'on a déjà eu l'occasion ici de parler de la réappropriation des Cramps dans le champ de l'art, nul doute que ce groupe mythique savait délimiter les champs d'expérimentation.
Il est irréfutable que n'importe quel concert des Cramps est plus proche de l'expérience artistique que n'importe quel musicien-pseudo-artiste se produisant dans des centres d'art, confondant art et musique (art majeur et art mineur dirait Gainsbourg).
Après tout, Lux Interior était de la lignée des Lucifer, Prométhée et autres possédés : tout le monde n'a pas la chance de porter la lumière au plus profond de son être....

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A l'heure où la petite lampe interne d'Erick Purkhiser vient de s'éteindre et après l'effondrement de Ron Asheton, le Rock vient de mourir une deuxième fois. Et l'on ne cesse d'assassiner son cadavre...

vendredi 9 janvier 2009

La mort d'une oeuvre d'art.

Voici venir la nuit des longs couteaux.

Enfilez vos bas noirs les gars,
Ajustez bien vos acroches-bas,
Vos porte-jartelles et vos corsets,
Allez venez ça va se corser,
(...)
Maquillez vos lèvres les gars,
Avec des rouges délicats,
Faites vous des bouches sanglantes,
Ou noires ou bleues si ça vous tente
(...)
Sur vos boucles blondes les gars,
Mettez fixatifs et corps gras,
N'épargnez ni onguents ni fards,
Venez avant qu'il ne soit trop tard

On va danser le
Nazi rock nazi nazi nazi rock nazi
Ouais on va danser le
Nazi rock nazi nazi nazi rock nazi.

C'était ça les Stooges. Un mélange étrange d'ambiguïté sexuelle et de violence froide. En dehors d'Iggy Pop, la légende s'est construite sur la guitare comme élément fondateur d'une agression sublime, d'un déchirement sourd et délicat.
Le génial guitariste Ron Asheton était une oeuvre de Richard Serra. Fondamentalement belle dans sa brutalité, légère et massive, inquiétante et rassurante. Seulement, lorsqu'une des plaques de cet équilibre précaire s'effondre, le reste suit. Si les Stooges sont morts le 6 janvier, ils auront finalement longtemps survécu au cadavre d'un rock qu'il ont enfanté. Un Nazi Rock, inévitablement....

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Les Vinyls de l'Art.

Le site Art Vinyl a réussi un joli coup de pub en sortant, en grandes pompes, son classement officiel des meilleures pochettes de l'année. Il n'empêche, le choix des votants est sans appel. On retrouve sur le podium, et dans l'ordre : l'album éponyme des Fleet Foxes, l'album Slime & Reason de Roots Manuva et le consacré Viva la Vida de Coldplay. Ce qui nous fait un Bruegel l'Ancien en premier et un Delacroix en troisième position. Entre les deux, le Roots Manuva est un mélange plutôt évident de Marc Quinn et de Joel-Peter Witkin (entre autres). Bref, l'art semble faire recette dans son adaptation au support du disque. SI l'efficacité esthétique ne se dément pas elle s'accompagne même de succès commercial. Comme une évidence...

Fleet Foxes :
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Roots Manuva :
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Coldplay :
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Superficial Donkey.

Les limites de l'inspiration et de la copie sont souvent ténues.... Sur la pochette de l'album Donkey de CSS semble se refléter les ondes créatrices de Michel de Broin. L'art est une source inépuisable de puissance visuelle, volontaire ou non. La preuve par trois avec Art Vinyl (cf plus haut....).

Michel de Broin :
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CSS :
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samedi 20 décembre 2008

Ratoo-oo-oon laveur : libère les chauve-souris.

Raccoo-oo-oon n'est sans doute pas le groupe américain le plus connu de la planète. Il n'empêche, dans la lignée créative des Animal Collective, Dirty Projectors ou Pyramids, Raccoo-oo-oon est un brillant représentant d'une musique conceptuellement intelligente. Leur dernier album sorti sur le très bon label suédois Release the bats est une vraie merveille. Pas de titre, pas de crédits, pas de noms de musiciens ou d'intitulés de chansons, pas même de code barre : autant dire que le tout est plutôt confidentiel. La pochette reprend la douceur mortifère du Dormeur du Val de Rimbaud et n'est pas sans rappeler la couverture de Med Sud I Eyrum Vid Spilum Endalaust de Sigur Ros signée Ryan McGinley. Le morceau d'ouverture est tout simplement dantesque, au sens premier du terme, vous emportant dans un tourbillon infernal pour une remontée fulgurante vers un paradis en sautant le purgatoire. Le reste est un parcours de nuit en forêt sans lumière, une expérience unique, terrifiante, reposante et excitante. Album limité à 1 000 exemplaires comme toutes les sorties du groupe, il vaut mieux ne pas tarder à partir à la chasse au Raccoo-oo-oon.....

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Pas le groupe américain le plus connu de la planète ? Certes... Mais le raton laveur le plus célèbre ? Oui, sans aucun doute !
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vendredi 28 novembre 2008

Can you see the difference? - 2

Parfois les reprises de pochette se font involontairement. C'est le cas des pochettes censurées qui deviennent des doubles monstrueuses d'elles-mêmes. Compréhensible, effarant, surprenant, risible, les cas de censures donnent toujours naissance à des créations étonnantes. Si certains s'en amusent (Liars encore et toujours, jouant sans doute les vierges effarouchées et incomprises), d'autres deviennent légendaires (l'incroyable butcher cover du Yesterday and Today des Beatles, rendues impeccables et couvrant l'horreur et l'ambivalence du plus démoniaque des groupes pop). D'autres enfin n'ont pas le choix (Cannibal Corpse, ou encore Deicide avec le retour du voile de la pudeur "da volterrien") : c'est le blackout total et sans appel. Ne cherchez plus les différences : il n'y a rien à voir.

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Apparemment, la société n'est pas encore prête... Liars, liars, liars..... la vraie, visible ici.
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Can you see the difference?

Les techniques d'appropriation diffèrent et les stratégies se complexifient. La reprise est une pratique commune à l'art et à la musique. Certains associent les deux en reprenant à leur compte des pochettes pré-existantes. Avec des volontés et des enjeux divers : la reprise historique (Zappa singeant la plus célèbre et peut-être plus retravaillée des pochettes de l'histoire du rock, celle du Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles), la reprise historique à caractère revendicatif (Les Clash qui détruisent le premier album d'Elvis dans une tentative de meurtre du père "no Elvis, no Beatles, no Stones"...), la reprise mimétique (Boris qui rejoue à l'identique le Bryter Layter de Nick Drake), la reprise mimétique à un détail près (Liars vole le Strategies against Architecture d'Einsturzende Neubauten et met à mal les fondations de l'appartenance).... Les exemples sont nombreux et dénotent tous d'une opération qui s'attache tout autant à l'hommage qu'à la critique, entre amour et haine, initié et profane, communautarisme et individualisation. La reprise visuelle étonne et séduit tout autant que la reprise musicale, tant qu'elle est consciente et pertinente.... Vous en reprendrez bien un petit peu ?
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Apprendre les couleurs en s'amusant....

... un jeu Danger Mouse, un jeu intelligent !
Oui, si vous mélangez le noir du black album de Jay-Z avec le blanc du white album (éponyme) des Beatles, vous obtenez du gris, celui du grey album de Danger Mouse. Chant de Jay-Z remixé sur des samples des Beatles, c'est brillant et ça s'appelle du mashup. Certes Beatallica l'avait fait avec le black album de Metallica et les white album des Beatles, mais quand on voit le résultat, on se dit qu'associer deux univers contradictoires requiert tout de même une bonne dose de talent et de création personnelle... ce qui n'est semble-t-il pas donner à tout le monde.
Dans les albums noirs,n'oublions pas celui de Prince bien sûr.... Dire que tout est parti des Beatles, et que la palette depuis n'a cessé de s'agrandir : l'(excellentissime) brown album de Primus, le Pink album de Boris, l'arc-en-ciel de Weezer (la trilogie éponymes brillamment orchestrée) : blue album, green album, red album. Il y en a décidément pour tous les goûts : à vous de faire vos propres mélanges désormais....

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Merry Christmas at Chocolate Shop.

Les fêtes de Noël approchant, il est temps de se préparer aux festivités. Les américains de Low signent pour l'occasion un des plus beaux et des plus inquiétants clips de l'année. Le budget minimal n'empêche pas l'adéquation parfaite entre musique et image.... N'est-ce pas ce que l'on demande fondamentalement à un clip ?
L'interaction avec le spectateur, le questionnement des enfants, la peur qu'ils transmettent, l'ambivalence des sentiments qui les et nous parcoure est une réussite totale, digne des meilleures vidéos d'artistes.
La question que l'on pourrait se poser alors serait : Mais que voient-ils ; quel est donc ce Père Noël qui inquiète tant les enfants ? Paul McCarthy le délicat apporte un début de réponse...

Low - Santa's coming over :


Paul McCarthy :