mercredi 23 décembre 2009

Possessions diaboliques.

Noël arrive et les commerçants vous guettent comme des vautours. Ils tentent de vous apâter par tous les moyens. Pour les plus mélomanes, les maisons de disques aussi pensent à vous et à vos désirs avides. Ils savent viser là où le bas blesse.

En ces temps de fêtes, il y a toujours un morceau inédit, un live improbable à révéler et s'il n'y a rien, c'est le packaging qui se voudra original. Ainsi fleurissent en tête de gondole ou sur internet, nombre de best of, éditions limitées deluxe, produits dérivés et dérivants.

Il faut voir également derrière ces opérations commerciales une tentative de palier aux chutes de ventes de CD. Le désintérêt croissant envers ce mode d'écoute coïncide avec la recrudescence de prestations améliorées, prestigieuses des produits. La rareté pousse davantage à la possesion. Ainsi, les prix de ces objets luxueux frôlent parfois des sommets...

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Certains se feront plaisir cette année en s'offrant le coffret Minotaur des Pixies (les 5 albums du groupe, un cd plaqué or (?), un vinyl, un DVD, un blu-ray (??) et autres livrets et affiches), d'autres chercheront le plaisir avec le coffret Liebe ist fur alle de Rammstein (6 godemichets moulés sur les "membres" du groupes, des menottes, du lubrifiant, et quand même le dernier album...). Gare au péché de la tentation...

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Il est intéressant de constater que l'intérêt pour l'objet grandit proportionnellement à son prix. On peut observer le phénomène inverse dans l'art contemporain. Les oeuvres souvent inabordables trouvent des équivalents "slow play". En proposant des multiples, affiches, badges, éditions diverses, les artistes nous tendent un peu la main...
Les produits issus de l'industrie musicale se veulent parfois être des objets d'art alors qu'au même moment les artistes s'invitent dans votre quotidien...
En terme purement marchand et spéculatif, peut-être vaut-il encore mieux miser sur l'art lui même... A vous de choisr votre péché...

mercredi 16 décembre 2009

Du crâne à la ligne.

Le metal, dans son acceptation la plus large, est un genre dont le graphisme des pochettes a une importance toute particulière. Comme pour beaucoup, son univers visuel s'enracine et se confond avec le musical. Mais un nombre important de pochettes privilégie l'illustration, la peinture, autrement dit la participation et l'implication humaine. Les graphistes deviennent des artistes... les artistes deviennent par la force des choses des illustrateurs. Bien sûr, certains comme Larry Caroll (Slayer...), Ed Repka (Death...), Derk Riggs (Maiden...), Vincent Locke (Cannibal Corpse), ou Andreas Marschall (Obituary...) ont défini des codes identifiables et balisés faits de heroic fantasy, science-fiction, scènes macabres, mythologies... S'il est vrai que l'histoire de la pochette dans le heavy metal pourrait sembler figée, au regard de l'apparition de sub-genres, celle-ci évolue quelque peu. Ce milieu n'est pas fait que de zombies, squelettes, cadavres déchiquetés, croix, boucs... Le champ sémantique s'élargit au même rythme que la palette sonore. Des nouveaux courants apportent de nouveaux visuels...

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Death - Scream Bloody Gore - 1987 - artwork : Ed Repka

En effet des groupes comme Isis, Pelican, Boris, Sunn O))) voient l'avènement d'un nouveau graphisme, plus sophistiqué, plus intuitif, frôlant parfois avec l'abstraction... Les ossements ne sont pas pour autant mis au placard mais il faut bien avouer que le style s'enrichit avec finesse et intelligence. Le problème, qui ne semble pas nouveau pourtant dans le milieu, c'est la récurrence des mêmes auteurs et du coup la standardisation d'un même style. Justin Bartlett ou Seldon Hunt envahissent quelque peu le territoire. Remontons un peu dans le temps et prenons l' exemple de Necrolord. Ce talentueux illustrateur suédois a, par la grande visibilité de son travail, noyé l'identité des groupes. Par la reproduction systematisée de son style, on assiste à l'effacement de la spécificité... N'achetez pas le même jour Sacramentum, Necrophobic, Morgana Lefay, Dissection, Dark Funeral et Emperor, vous aurez l'impression d'avoir 6 fois le même disque... Bartlett et Hunt sont comme des princes, des expositions leur sont même consacrées... S'il est vrai que leur syle respectif (d'un dessin ciselé, englué dans un noir saignant à une abstraction numérisée et complexe) fait d'eux des créateurs à part entière, leur statut n'est pas celui d'un artiste.

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TYRANT - Hell to pay - 2008 - artwork:Justin Bartlett

Si, à l'instar de Chuck Schuldiner (ayant réalisé le logo de Death, son propre groupe), Stephen O'Malley, Aaron Turner (de Isis) délaissent le manche de guitare pour les pinceaux (ou le stylet), il est appréciable de voir ces musiciens être impliqués dans l'architecture visuelle. Sans aucune complaisance mais d'une manière peut-être plus détachée, ils déambulent dans des méandres esthétiques plus librement. Cette nouvelle génération d'illustrateur est assez prometteuse (notamment avec Arik Roper) en ce qu'elle parvient à enrichir le genre pourtant très caricatural (croit-on). L'illustration est un art qui n'en est pas un. Si peu de groupes trouvent dans l'art contemporain un ambassadeur esthétique (à part, et citons les encore un peu plus, Sunn O))), avec Monoliths & Dimensions), beaucoup ont trouvé chez les classiques un étendard. Gustave Doré, Albrecht Dürer, William Blake sont très "metal" finalement... D'autres ont préféré le charme et le charisme d'illustrateurs du XIXe comme Burzum avec Kittelsen... On s'étonne dès lors que des illustrateurs comme Albín Brunovský ou Harry Clarke n'aient pas connu un adoubement musical. La frontière est finalement bien spongieuse entre toutes ces sphères. Mais les intérets premiers sont pourtant si éloignés.

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Harry Clarke

Enfin, et par phénomène de répercussion, certains artistes contemporains s'inspirent largement de cette imagerie foisonnante comme par exemple l'excellent Jay Heikes, et par palingénésie, on pourrait voir les frères Quistrebert être appelés à leur tour.
Rejouissons-nous enfin de cette lente mais certaine évolution du graphisme dans la musique metal. Il faut apprendre à voir où le mal se cache... Il est ce baphomet menacant mais peut aussi se cacher derrière une simple ligne droite...

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Quistrebert bros - Diablotin Fuyant - 2008

samedi 12 décembre 2009

Do It Better.


A ajouter à notre classification ci-dessous, dans la catégorie
semper gaudium : Richard Wright.
Il n'est pas cet écrivain noir à la plume trempée de courage, il n'est pas non plus ce musicien psychédélique au clavier ténébreusement jazzy, et encore moins ce gardien de but aussi à l'aise dans une cage que sur un tracteur. Richard Wright est artiste, et qui plus est, artiste anglais. Cette précision identitaire trouve une pertinence toute particulière au regard du rapport qu'entretient l'artiste avec la musique. Adoubé récemment par l'establishement anglais sous le glaive du Turner Prize, Richard Wright voit enfin son travail devenir oeuvre aux yeux du grand public. Et de ce fait, cette médiatisation soudaine met en lumière son autre activité : la musique donc. Richard Wright est également le guitariste du groupe Correcto. Il faut dire que la présence du batteur des Franz Ferdinand au sein de celui-ci avait déjà attiré quelques curieux...

Un premier album sorti chez Domino Pias en 2008 dont la pochette était réalisée par l'artiste lui-même (qui aurait pu être mieux placé ?) propose un rock post-punk, un brin arty, mais sans grande surprise au final (et dont "Do it better" est le deuxieme single). Se définissant comme un "art school punk band", les Correcto se font d'abord plaisir. Il y a chez eux, cette urgence primaire à faire du rock, mais peut-être que le groupe existe simplement par évidence.

correcto wright

On retiendra de Richard Wright, non pas ses guitares gémissantes, mais une oeuvre absolument divine de subtilité et de force. Entre enluminure moyenâgeuse et delicatesse conceptuelle, ses wall paintings viennent frôler, dans un élan éphémère et fragile, les murs froids et atonaux des galeries et musées. Certains s'étonnent même qu'il réalise lui-même ses oeuvres (sans aide d'assistant), et à la main en plus. Musicien moyen mais artiste génial, une règle?

richard wright tate

jeudi 10 décembre 2009

Théorie synthétique de la mutation de la musique par l'art.

Musique et art contemporain sont pieds et poings liés. Le réseau d'interactions qui les relie est immense. Il existe un phénomène, observé depuis un certain temps, qui corrobore notre propos. Il s'agit de la naissance de groupes de rock au sein des écoles d'art ou créés par des artistes eux-mêmes. Il y a ceux qui s'y essaient pour parfaire leur formation artistique (question de sensibilité) et ceux qui poursuivent malgré tout, et parfois assez discrètement, une double activité : artiste et musicien. Le nombre des musiciens professionels ayant fait des écoles d'art est bien trop important pour être abordé ici.

Dans les deux catégories citées, appelons-les "unicus" et "semper", on observe deux sous-ordres. Les groupes dont la musique est le prolongement des oeuvres plastiques de leurs auteurs-artistes : les "continuum" ; et ceux dont la musique est à percevoir simplement comme source d'inspiration, comme vécu expérimental et jouissif, les "gaudium".

Cette classification s'intéresse exclusivement aux artistes connus dans un premier temps pour leur travail artistique et jouant dans des groupes (dans un principe d'extériorisation).


Observons désormais de plus près chacune des catégories à l'aide d'un échantillonage :


Unicus Gaudium

Menthol Wars - Robert Longo + Richard Prince

The Poetics - Tony Oursler + Mike Kelley

Fat Les - Damien Hirst

DonATeller / Jack to Jack - Mark Leckey

Boy Hairdressers - Jim Lambie

Floppy - Georgina Starr

The Perfect Me - Thaddeus Strode + Jim Shaw + Marnie Weber


Unicus Continuum

Les Ruines Prochaines - Pipilotti Rist

UJ3RK5 - Rodney Graham + Jeff Wall + Ian Wallace

Mon Ton Son - Christian Marclay


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Black Dice


Semper Gaudium

Black Dice - Bjorn Copeland

Mars - Nancy Arlen

Mittagspause - Markus Oehlen

Workshop - Kai Atloff

The Sea and Cake - Sam Prekop

Split - Jacques Julien + Hugues Reip + Dominique Figarella

DJ Sid - Sidney Stucki

Big Buttom - Angela Bulloch

Ken Ardley Playboys - Bob & Roberta Smith

Lowest Expectation - Angus Fairhurst

Stone Roses - John Squire

The Customers - Daniel Pflumm

Idiots - David Ancelin

Angel blood - Rita Akerman

The Rodney Graham Band - Rodney Graham

Marnie - Marnie Weber

Gotterdammerung - Marc Bijl

10Lec6 - Simon Bernheim

Gang Gang Dance - Brian Degraw


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The voluptuous horror of Karen Black



Semper Continuum

Electrophilia - Steven Parrino + Juttah Koether

The Voluptuous Horror of Karen Black - Kembra Pfahler

New Humans - Mika Tajima

Herme(neu!)tic rock - Elodie Lesourd

DNA - Robin Crutchfield

Luxus - Martin Kippenberger

Van Oehlen - Albert + Marcus Oehlen

Destroy All Monster - Mike Kelley +Jim Shaw

Oneida - Martin Creed


Au regard de ce fragment de classification non exhaustive, on se rend compte que la plupart des groupes montés par des artistes n'ont pas de prétentions artistiques ou performatives. La musique, et le rock en particulier, est avant tout un mode de vie. Mais la frontière art/musique est assez mince et le fait de jouer dans un musée ne fait pas d'un groupe une oeuvre, et inversement....


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Electrophilia


samedi 28 novembre 2009

Sasha Grey : Natacha Von Braun ?


A quoi sert la culture ?

Voilà une question que vous vous êtes sans doute souvent posée. A faire de vous une star du porno « hype », n’est sans doute pas la réponse que vous avez apporté le plus fréquemment. C’est pourtant bel et bien le cas pour Sasha Grey, actrice principale du dernier Steven Soderbergh (Girlfriend Experience) mais aussi d’autres productions plus indépendantes et confidentielles auparavant.
Alors que l’on vous expliquait récemment comment Lady Gaga est devenue un personnage pertinent, prescripteur, par le recours immodéré à des stratégies issues de l’art contemporain, un autre personnage sulfureux cherche à s’anoblir par la culture et à sortir de l’ombre envahissante.
Sasha Grey choisit une option différente de Lady Gaga, couverture médiatique réduite oblige. Elle, qui souhaitait à l'origine prendre Anna Karina comme pseudo, expose, en dehors de son corps (point partagé, dans une moindre mesure, par Lady Gaga), une connaissance quasi-encyclopédique, best-ofienne, de la culture underground internationale, toutes époques confondues, tous domaines épuisés : Faust, Throbbing Gristle, Sunn O))), Mayhem, Death from above 1979, Coil, NIN, Tool… pour la musique / Godard, Antonioni, Van Sant, Lynch, Corine, Clark, Bertolucci, Malle… pour le cinéma / Baudrillard, Nietzsche, Brecht, Burroughs, Sartre, Warhol… pour la littérature. On frôle franchement l’overdose. Alors, pourquoi une telle débauche, pourquoi un name-dropping à la limite de la caricature ? Pour sortir du porno la tête haute ? Même pas.

sasha grey art culture


A quoi sert la contre-culture ?

Sasha Grey qui se définit comme existentialiste, pornstar et artiste, ne souhaite pas, a priori, arrêter les films pour adulte. Elle ne peut décemment pas non plus mener une lutte perdue d’avance dans une Amérique puritaine pour un retour libre à la pornographie du type fin 1960’. Que cherche-t-elle à faire ?
A réhabiliter une contre-culture moribonde ? En réintégrant la pornographie dans le champ d’une sous-culture complexe, vénérée, influente, elle permet de créer un lien entre deux univers aux relations distendues. Mais permet-elle pour autant à chacune d’entre elle de tirer parti de ce rapprochement ?
Elle tente, plus sûrement, de se couvrir des ors d’une culture admirée par l’intelligentsia mondiale. Elle se place en modèle d’une culture sulfureuse, assumée, brillante. Diabolique sans doute aussi. Femme symboliste inquiétante. Elle démontre en tout état de cause une utilisation étonnante de son savoir, de ses goûts, de ses orientations. Elle aurait pu choisir d’opter pour le contre-pied, l’affichage d’une culture « classique » qui, de part son décalage, n’aurait sans doute pas permis l’obtention d’un blanc-seing (noir-seing ?) de ses pairs cachés ou oubliés. Elle n’aurait pas été crédible, étrangement. Alors que dans son choix, tout est si sciemment calculé, que tout passe avec un naturel déconcertant. Elle n’hésite pas à se poser en « performeuse », reprenant une idée mise en forme par Cosey Fanni Tutti (une influence évidente) au sein de COUM (Prostitution au ICA Arts Centre de Londres en 1976). Et pourquoi pas après tout ? On vous pardonne tous les excès si vous êtes capable de citer Klein, Rothko, Judd et Rauschenberg parmi vos artistes favoris…

coum prostitution sasha grey art culture

Et pour parfaire le tout et mettre la dernière touche à la panoplie, elle est guitariste / chanteuse (version minimalisante dans les deux cas) au sein du groupe Atelecine. Qui a osé dire qu’une œuvre de la série La Sainte Vierge de Kendell Geers ferait une très belle pochette ?...

kendell geers sasha grey art culture

jeudi 26 novembre 2009

Gagaïsme.

A force de nous répéter que l'année 2009 est celle de Lady Gaga, on finirait par le croire. Son succès inattendu et inespéré (après plusieurs tentatives) voit, au-delà de sa pop musique lisse et standardisée, l'emploi récurrent d'emprunts, de référents. Pratique commune de notre époque devenue complètement acquise et banalisée.
lady gaga

L'emprunt s'incarne chez elle dès la conception de son "personnage". Lady Gaga en référence au morceau Radio Gaga... Mercury est plus qu'une inspiration à ses yeux, au même titre que Bowie ou Grace Jones (puisqu'il faut bien citer une femme).
Mais, en parfaite "chef de projet marketing" warholien (elle a même lancé la Haus of Gaga), elle use et abuse du name dropping. Une façon d'intellectualiser la démarche sans doute... Mais dans une volonté toujours plus forte d'atteindre le produit parfait, elle côtoie le milieu de l'art contemporain, s'en inspire et finit par y être invitée.
Ses clips d'abord, notamment Bad Romance, illustrent assez bien l'influence de l'art sur son travail. On pense entre autres à Matthew Barney, David Lachapelle... et également Terence Koh. On entend d'ailleurs ça et là des rumeurs de collaboration entre ces deux derniers.
lady gaga

matthew barney

Mais c'est le 14 novembre dernier que cette relation se concrétise. L'artiste Franscesco Vezzoli, remarqué avec son oeuvre Greed mêlant luxe, cinéma et art contemporain, présente une performance menée par la Lady lors de la soirée organisée pour célébrer les 30 ans du Moca de Los Angeles. Ballets Russes Italian Style (the shortest musical you will never see again) a bien entendu fait grand bruit. BolchoÏ et pop musique se marient dans les nimbes de Gehry et Prada aux sons d'un piano Steinway customisé par Damien Hirst et au milieu... Lady Gaga. La pop icône (et oui, déjà) est-elle dès lors utilisée comme un objet ou sa présence seule au sein de l'oeuvre de Vezzoli, comme pouvait l'être celle de Nathalie Portman, dessine le concept ? Peu importe, Lady Gaga a atteint la High Culture. Elle fait désormais appel à Hedi Slimane pour la réalisation de la pochette de son dernier single... et enfin, c'est Araki qui, pour un numéro du Vogue Japan photographie la chanteuse... Elle devient alors elle-même l'oeuvre d'art.
Finalement, il est assez difficile aujourd'hui de savoir qui a besoin de qui. Elle avait besoin des autres pour exister mais fait à son tour exister les autres... Gaga n'est pas encore Dada mais tente par l'extravagance et la provocation de s'inscrire dans l'histoire... On verra bien.

terence koh
ladygaga

mardi 17 novembre 2009

Running to the edge of the world... and falling.

Le dernier clip de Marilyn Manson, Running to the edge of the world, commence comme une performance. Bien parti pour être un exemple frappant de détermination critique et de positionnement (post)-punk, il finit par voir rouge et fait passer de Marilyn à Manson. Le long plan séquence d'ouverture évoque 2 précédents mythiques. Le 1er est dans l'allusion subtile de l'utilisation du rideau de chambre d'hôtel comme renvoi au voile de mariée le couvrant déjà dans le clip de Sweet Dreams. Simple clin d'oeil ou signe pour initiés, le travail sur le voile est de toute façon une métaphore qui parcoure l'oeuvre de Manson. Le 2nd est le clip No Surprises de Radiohead. Thom Yorke, concurrent direct du regard perturbateur et perturbé de Manson, se noie sous l'oeil a-sentimental de la caméra (où le spectateur devient une sorte d'Hall 9000). Tête à tête sur la surface de l'image. Manson touchait au but. Seulement voilà, lui, il aime bien quand il y en a, des surprises. Et le scénario se met en place. VIolence, sexe, fantasme inassouvi alors qu'il avait dans ses gants noirs et sa chemise / cravate la possibilité de renverser les codes, de bouleverser jusqu'à ses propres limites. Un sacrifice de l'esthétique que l'on peut voir comme un sacrifice de lui-même, préférant assumer son rôle jusqu'au bout, dans le sang rédempteur du blasphème. Peut-être est-ce cela, finalement, être rock : s'affirmer, jusqu'à la fin, dans une liberté contraignante et voulue. Quelle meilleure illustration de cette acception, dans le face caméra, que le Art Make-Up de Nauman et sa réappropriation rock et forcenée par Forsyth et Pollard dans Kiss my Nauman ?

Marilyn Manson - Running to the edge of the world :


Marilyn Manson - Sweet Dreams :



Radiohead - No surprises :



Bruce Nauman - Art Make-Up :


Iain Forsyth & Jane Pollard - Kiss my Nauman :

Go away white : chef-d'oeuvre en péril.

Bauhaus est l'un des groupes de rock les plus pertinents et influents de l'histoire. C'est une chose entendue.
La reprise, à l'identique, du nom et du logo d'un mouvement architectural allemand du début du siècle passé n'est pas neutre. Evidemment. Le Bauhaus voulait lier l'art et la vie. Bauhaus reliera l'art et la mort. L'attitude post-moderniste (encore de l'architecture...) de détournement est un acte signifiant, une prise sur le réel. Bauhaus impose sa vision. 4 albums légendaires en 4 ans plus tard, le groupe anglais se sépare. Fulgurant groupe à l'esthétique, obligatoirement serait-on tentés de dire, profonde, Bauhaus a été une parenthèse fantasmagorique. Il serait d'ailleurs édifiant de faire une compilation de tous les visuels utilisés, à commencer par les pochettes, pour se rendre compte de l'impact démesuré et la cohérence magique d'une oeuvre dans l'oeuvre...

bauhaus go away white robert ryman

bauhaus go away white robert ryman

Mais voilà que sort, 25 ans après, un nouvel album : Go away white. Un manifeste.
S'il n'est pas lieu d'évoquer la crise nostalgique qui a poussé à déterrer et reformer à peu près tous les groupes séparés des 30 dernières années (du moins, tous ceux qui étaient déterrables.... légalement), il n'est pas non plus lieu de passer sous silence le retour des maîtres... du Bauhaus. Go away white : un chant du "signe" ? Assurément. Mais ce qui révèle de la magie (blanche ? noire ?), c'est le miracle par lequel Bauhaus arrive à faire un album qui paraît être la continuité parfaite de Burning from the inside, sans sonner une seule seconde comme s'il sortait en 1985. Comme si le temps s'était coupé pour eux et les avait ressuscités (undead....comme Bela) en parfaite harmonie avec leur époque. Ou est-ce juste la preuve qu'un être éternel est nécessairement intemporel et tel un vampire, s'adapte à son temps au-delà du temps ? Le style est unique et s'enfile comme une seconde peau. Sobre et efficace, mesuré et aventureux, décadent et effilé. Les membres de Bauhaus ne sont pas jeunes, ils ne le prétendent pas. Mais ils ont cette élégance anglaise, ce décalage dandy, qui les rend intouchables. Go away white est un chef-d'oeuvre oublié, poussiéreux, évanescent, déjà incompris, futur culte. Une démonstration de précision, d'incision, de minimalisme brillant, de profondeur bouleversant la surface blanche : comme un Robert Ryman, intense et absolu. Imparablement.

bauhaus go away white robert ryman

bauhaus go away white robert ryman

lundi 16 novembre 2009

Persuasive (re)percussion.

Dans la création, il faut parfois chercher très loin, pour extirper d'un marasme d'information, le référent évident et efficace. A force de creuser, on déniche, sous des couches de trivialité, le monument pointu, underground et quasiment indéchiffrable (à part par les experts du genre). Cette volonté de vouloir révéler le pouvoir esthétique ou conceptuel du réfèrent parfait naît d'une exigence aiguë dans la réalisation d'une oeuvre. La question n'est pas tant de savoir d'où vient le référent mais plutôt de ce que l'on en fait.
julian dashper

Dans l'exposition personnelle posthume de l'artiste neo-zélandais Julian Dashper (dont on vous parlait ici) à la Sue Crockford Gallery, une pièce particulièrement se dégage. Il s'agit de "Untitled (Persuasive Percussion)". Une pochette de disque dont l'encadrement reprend la forme des oeuvres peintes présentées. Il s'agit de l'album Persuasive Percussion de Terry Snyders and the All Stars (sans oublier la présence d'Enoch Light) sorti en 1959 sur le label Command Records, dont la pochette est une des premières à être dépliante (gatefold cover). Entre easy listening et space pop, la musique se démarque surtout par l'emploi de technologies avancées. On suggérait même de passer ce disque pour tester sa stéréo...
persuasive percussion,terry snyders,dashper

Mais ce qui intéressa sûrement davantage Dashper, c'est sa pochette abstraite. Reprenant une oeuvre du génie bauhausien Josef Albers, le support visuel du disque prône l'utilisation rythmique et méthodique du point. Récupérant le potentiel abstrait et esthétique de cette oeuvre au travers de la musique, Dashper parvient à tisser un réseau de référence incroyable, et impose une réflexion conceptuelle basée sur le ready made, le détachement et l'idée.
Si le point dans l'art contemporain est assez commun (Kusama, Hirst...), ce travail de Josef Albers (même s'il n'est pas le plus symbolique de son oeuvre) rappelle étrangement celui du néanmoins bon artiste Scott King et ses incontournables oeuvres schématiques. Celui ci utilise le point comme représentant une personne et recrée la masse du public venu assisté à des concerts mythiques. Il a probablement insufflé à l'oeuvre d'Albers, une chaleur rock. King et Dashper font partis de ces artistes intelligents qui réveillent et questionnent en même temps leurs ancêtres dans des oeuvres toujours plus brillantes. La répercussion du passé est avec eux toujours plus persuasives.

scott king

dimanche 15 novembre 2009

Loin d'être une annus horribilis.

Chez les ursidés, du panda ou du grizzly, on préfère le premier. Elégant, rare et singulier le "panda bear" est la pureté expérimentale même. Le "grizzly bear" a bien des armes. Sa force, son énergie imposent fascination et respect. Par sa musique certes, mais aussi par son univers visuel savamment travaillé.

grizzly bear

Même si le grizzly est d'ordinaire un animal plutôt solitaire, Grizzly Bear sait bien s'entourer. Pour leur dernier album, Veckatimest, aux accents de folk expérimental, ils convient ou plutôt utilisent l'œuvre de William J. O'Brien. Cet artiste américain de 34 ans possède un travail protéiforme, mêlant abstraction psychédélique et foisonnement lyrique. Passant de l'ordre au chaos, le pouvoir esthétique de son œuvre s'associe parfaitement aux sons des électriques "warpiens". De l'artwork de l'album à celui des singles, tout sera sous l'effigie O'Brien. Sa galeriste Marianne Boesky pourra se réjouir de voir ce travail se déployer à grande échelle grâce à la musique.

william j o brien,grizzly bear

Parlant de galeriste, les Grizzly Bear en seraient presque... Leur site très "arty" ressemble à la page d'accueil d'une jeune galerie branchée. Leur œil de "curator" ne s'arrête pas là. Pour leur dernier clip, ils ont fait appel à la jeune artiste Allison Schulnick. Tout comme son prédécesseur, son travail est dense et pluridisciplinaire. Influencée par Guston, son univers à la fois enfantin et sombre met en scène des personnages empâtés, grimés par des couches superposées de peinture, ils déambulent entre désespoir et mélancolie. Sortis d'un conte de fée ou inspirés par le folklore, ces êtres étranges rappellent dangereusement le monde naïf de Marlène Mocquet. Mais au service de la mise en image du morceau "Ready, Able", ses clowns errants, chats et autres squelettes deviennent puissants et énigmatiques.

allyson schulnick,grizzly bear,schulnick

Même si le grizzly est la version "horribilis" de l'ours brun, on l'adopte volontiers. Et Grizzly Bear, par ses rencontres riches et porteuses de sens (comme dernièrement Skull Defekts et Fredrik Soderberg, mais on vous en reparlera), viennent démentir l'expression "ours mal léché"...

jeudi 5 novembre 2009

Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques dans la peinture et la sculpture... et la musique.

« Noble simplicité et grandeur sereine ».
Alors que J.J. Winckelmann redonnait à l’Occident, par une formule magique, le goût pour l’antique, ce sont les Bat for Lashes qui désormais reprennent le flambeau. C’est dans l’équilibre, la justesse et la mesure que le groupe sculpte ses concerts. La démonstration Olympienne à Paris le 4 novembre fut éclatante. Car Bat for Lashes n’a pas oublié que la statuaire grecque n’était pas de blancheur immaculée mais originellement débordante de couleurs. Alors, Natasha Khan, dans une admirable tension maîtrisée, joue sur l’harmonie des parties. Fascinante utilisation du son où simplicité, précision et efficacité deviennent servantes d’une construction admirablement pensée. Leur reprocher la trop grande maîtrise et le manque de folie dans l’implacabilité de l’interprétation, ce serait comme ne pas voir la démesure et l’audace de Phidias ou Praxitèle. C’est justement par le balancement des extrêmes, pour la perfection de la mesure, qui fait des Bat for Lashes un groupe majestueux.

bat for lashes

Murder is my future.

Pourquoi faut-il que les fans de Slayer soient de gros bourrins ? Pourquoi les fans de Slayer doivent-ils, ontologiquement, être de gros bourrins ? Les fans de Slayer sont-ils forcément de gros bourrins ? Pas si l’on en croit l’exemple imposé, et défendu, par Claude Lévêque.
Pas si l’on écoute Slayer, tout simplement...

jorg immendorf deadline slayer world painted blood,jorg immendorff

Au moment où sort World Painted Blood, leur 10ème album, le groupe californien fait une éclatante démonstration de son intelligence musicale. Peu importe que le genre soit décrié, caricaturé, raillé ou adulé, Slayer est un maître. un Maître Ancien même. Et si vous trouvez que la démonstration, passant par l’écoute attentive des 9 premiers albums du groupe qui, bien que brefs, vous paraît quelque peu indigeste, vous pouvez toujours vous contenter de jeter une oreille sur la chanson World Painted Blood, ouvrant cet album éponyme. Tout est là. Pas comme un résumé ou un best-of du savoir-faire (savoir-être) de Slayer, mais comme l’explication de la quintessence du groupe et de son incroyable puissance créatrice. Novateur ou non, qui s’en soucie désormais ? Car rentrer dans Slayer, c’est comme pénétrer dans la dernière salle de l’exposition Deadline (dont on vous parlait déjà ici), consacrée au peintre allemand Jörg Immendorff. On y entre dans la mort, écrasé par l’immensité. Du silence au bruit. Une mort attendue, maîtrisée, orchestrée dans les deux cas. Non pas le calme avant la tempête mais la tempête avant le calme. Le jeu sur les rythmes, la composition éclairant les textures, les découpes extrêmes de précision, tout annonce, chez Immendorff comme chez Slayer, un déferlement, une danse de mort, une danse macabre emplie de vie, célébrant cette vie, volonté de puissance. Et peu importe, dès lors, le futur : c’est l’immortalité qui les attend.

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samedi 31 octobre 2009

Deader than dead.

Ces jours-ci sont assez propices aux réflections liées à l'idée de mort, à l'aspect éphémère de l'existence et à sa vanité. Halloween passé et son folklore jouissif, la Toussaint, célébrant tous les saints de l'Eglise catholique et la Fête des morts, journée consacrée au culte des défunts, nous rappellent (calendrier à l'appui) que la vie finalement n'est que la mort des autres.
Et ces autres nous interpellent d'autant plus qu'étant morts, ils n'en deviennent que plus présents. Le souvenir, l'oeuvre mais aussi l'aura sont intensifiés par la mort même. Elle les révèle, les sublime. Bien sûr, la mort de l'autre n'est que l'écho de notre propre mort mais elle transforme notre vision, nous éduque, nous apprend à mourir. La grande faucheuse nous fascine depuis la nuit des temps. Elle, l'insaisissable cavalière, provoque l'inexplicable, l'insoutenable, mais pourtant le fondement même de la vie. Que se passe-t-il quand certains plus que d'autres la sentent s'approcher, roder ? Les artistes, voyants rimbaldiens, voient-ils leur pratique s'altérer ou au contraire s'intensifier ? Qu'en est-il de Michael Jackson qui savait qu'une nouvelle tournée le "tuerai" ? Comment Hans Hartung, poussé par une pulsion de vie (Eros ?), réinvente-t-il sa technique et fait exploser, dans un jaillissement divin, les couleurs ? Pourquoi Felix Gonzalez-Torres décide-t-il de disparaître dans l'immensité céleste ? Peut-on finalement penser, comme Socrate, que c'est un "merveilleux gain de mourir" ? Pour soi ou pour les autres ?

mapplethorpe,deadline,skull

L'exposition Deadline au Musée d'art Moderne de la ville de Paris vous plongera dans ces questionnements infinis et troublants. Réunir ces artistes par l'analyse des oeuvres réalisées à ce moment si crucial d'une vie où les jours sont comptés, semblait au départ tirer sur le pathos. Mais, déambulant de salle en salle, devant la grandeur et la puissance (ajoutée ou non) des oeuvres, un malaise vous serre. On ne sait plus si l'on marche dans un cimetière ou si l'on est déjà au royaume d'Hadès... La mort nous impose-t-elle une lecture biaisée des oeuvres ou a-t-elle réellement insufflé au travail de ces artistes un dernier élan de vie ?

Il en va de même pour le film This is it, présentant l'oeuvre ultime de Michael Jackson... Ce regard a posteriori se veut presque comme une hypertrophie du deuil, un besoin nécrophage, ou au contraire un refoulement, un déni.
Le chanteur se dévoile sous les traits d'un perfectionniste forcené, noyé dans une passion dévorante. Le travail arrassant qu'il s'impose, dans une posture christique, l'a conduit à sa déchéance. Il avait certainement une grande conscience, à l'instar des artistes présentés dans Deadline, de cotoyer chaque jour un peu plus la mort. Ce qui insuffle à son oeuvre une force incroyable, une sublimation, vers une c(h)ristallisation.

michael jackson,this is it

La mort est iconophile, elle s'incarne par l'image. Elle transparaît dans les dernières oeuvres d'artistes talentueux devenus génies. Mais ces images qu'on nous offre pour une ultime génuflexion cherchent-elles à animer le souvenir du mort lui-même ou du vivant ? Deadline et This is it ne sont-ils pas simplement des Memento Mori modernes ?

mardi 27 octobre 2009

General Patton vs. The X-ecutioners éphémères.

Le Louvre continue sa rédemption contemporaine en proposant cette fois un programme de performances, Ouvertures / Openings, en partenariat avec la Fiac. Le 24 octobre, c’est l’excellent artiste suisso-américain Christian Marclay qui était invité. Loin de ses brillantes dérives DJ-ratives, il endossait pour l’occasion l’élégant costume de chef-d’orchestre / compositeur conceptuel plus en rapport avec l’image du lieu.

Christian Marclay


La 1ère performance, Ephemera, jouait la carte de la virtuosité avec Steve Beresford au piano, transmutant les images visuelles de collages en forme de partitions de Marclay en images sonores. Une performance d’esprit néo-Fluxus mais qui laissait un certain nombre de portes interprétatives ouvertes.

La 2nde, Zoom Zoom, était, sur le papier, plus pertinente. Marclay, projetant des diapositives d’onomatopées extraites de la rue et de ses rejets commerciaux, se servait de la vocaliste Shelley Hirsch, comme d’un instrument doué d’intelligence. Le contrat, laissant libre cours à l’improvisation, était clair. Hirsch devait reproduire, réinterpréter selon sa volonté les sons visibles. Le lien à la 1ère performance se faisant ainsi de manière relativement évidente en renversant simplement les acteurs. Si l’aspect performatif interdisait toute forme de répétition qui aurait contraint le résultat final, on ne peut que regretter les limites de Shelley Hirsch dans cet exercice. Aussi peu franchement à l’aise dans sa réactivité que dans l’utilisation de ses pédales d’effets, Hirsch s’est noyée dans le flot ininterrompu d’images projetées, ne réussissant jamais réellement à dominer son sujet ni à rendre l’oeuvre vivante. Un dialogue image/son coupé, aussi décalé que dans l’oeuvre Up and Out du même Marclay (les images de Blow Up sur le son de Blow Out). Dommage.

Alors, une seule question vient à l’esprit : mais que faisait Mike Patton en cette nuit du 24 ? Cela ne lui disait vraiment pas de venir passer une Nuit au Musée ?
Et l’on se prend à rêver d’une reprise, voire mieux, que le groupe change de chanteur. Pour une fois que c’est le public qui le demande et ne le subit pas...

Christian marclay

lundi 26 octobre 2009

When Attitudes become Road.

Il y a 40 ans, le mythe s’invitait à la table de l’histoire. Derrière cette ouverture pompeuse, il est significatif de noter qu’alors qu’Harald Szeemann ouvrait When Attitudes become form, les Beatles signaient leur dernier enregistrement (bien que Let It Be sortit après) avec Abbey Road et offraient une des pochettes les plus marquantes de l’histoire de la musique populaire. Alors qu’écouter cet album revient à avoir la sensation d’être en présence d’un best of (comme avec presque tous les albums du groupe de Liverpool), l’exposition de Szeemann apparaît a posteriori comme un catalogue idéal de l’art conceptuel : Bochner, Andre, Beuys, Weiner, de Maria, Haacke, Lewitt.... bref, on frôle le all-star band artistique. Si les innovations esthétiques et musicales des Beatles (des pieds nus au medley final) marquent sur Abbey Road la fin d’un processus aux accents magiques, ce même processus s’inaugure avec When Attitudes become form. Simplement comme une continuation trans-substantielle de l’un dans l’autre.
abbey road beatles szeemann attitudes become form
abbey road beatles szeemann attitudes become form

P.S. : pour être tout à fait honnête, et complet, l’année 1969 a vu les sorties simultanées des 2 premiers albums de Led Zeppelin, du 3ème du Velvet Underground, du 1er des Stooges, de Hot Rats de Zappa, de Let it Bleed des Rolling Stones, du Soft Parade des Doors, du Tommy des Who, etc, etc. Il y a des années comme ça.... 1969 ou l’histoire du mythe continu.

dimanche 18 octobre 2009

The Fiery Furnaces / Tori Amos / Shannon Wright : et la Femme créa Dieu.

Les pionniers tels que Chuck Berry, Gene Vincent ou Jerry Lee Lewis ne l’avaient sans doute pas prévu, pas vu venir, pas même imaginé sans doute. Que les femmes, un jour, incarneraient le rock, en deviendraient les figures de proue, se transformeraient en divinités malfaisantes. Pourtant les symbolistes, à la fin du XIXe, les avaient mis en garde, avec raison. La Femme, vénéneuse, séductrice, inacessible, dominante, ils la craignaient. La désiraient, aussi.

A l’heure où le Centre Pompidou inaugure une présentation de sa collection consacrée aux artistes féminines, on peut s’interroger si la question du sexe, voire de la sexualisation de la culture est un critère déterminant dans l’appréciation de celle-ci dans nos sociétés occidentalisées ? Se poser la question reviendrait-il à répondre par l’affirmative ? Oui, sans doute. Mais comme il est étrange de se demander si la nationalité apporte une dimension pertinente à la lecture des oeuvres. Et quid de l’âge, du milieu social, des troubles psychologiques éventuels, de l’orientation sexuelle, du physique, de la résurrection de Sainte-Beuve ?

Alors oui, trois femmes ont enflammé Paris en cette rentrée, donnant une démonstration de rock dans des acceptions pourtant nettement différenciées. Eleanor Friedberger de The Fiery Furnaces ouvrait le bal le 23 septembre à la Maroquinerie. Dans une posture féministe typée 80’ à la Patti Smith, attirant par un charisme ce qu’elle semblait vouloir rejeter de sexualisation, la soeur de Matthew ne semblait pas capable d’échapper à son statut. Mais le souhaitait-elle seulement ? Rock déconstruit (du Derrirock ?), transfiguré vers l’essentiel, minimalisé, dans une beauté qui fuit le regard sous le joug de l’efficacité. The Fiery Furnaces, c’est la Cité Radieuse de Le Corbusier : on ne se rend pas compte à quel point c’est construit, intelligent, utile et esthétique. Ca à l’air indigeste. C’est un chef-d’oeuvre.


fiery furnaces,Eleanor Friedberger,maroquinerie
(photo achablive)

C’est sûr que Tori Amos au Palais des Congrès le 3 octobre jouait sur un autre registre. Dimension sexuelle assumée et affichée, Tori Amos s’amuse de son icône, désignée prêtresse du Purgatoire, entre beauté du Diable et peur du Paradis. Un rock élégant, troublant, fascinant, réhabilitant le piano comme élément premier du rock avant même la guitare. Certes, l’embourgeoisement doucereux accentué par le contexte couvre quelque peu l’imagerie dérangeante de la satanique chanteuse, une Mother Lucifer qui a choisi le travestissement pour mieux séduire et tromper. Comment ne pas être, à notre tour, en entendant sa voix, tentatrice, « abnormally attracted to sin » ?

tori amos,amos,palais des congres

En ce qui concerne la dernière de notre triade/triumvirat, la question ne se pose pas dans les mêmes conditions. Shannon Wright est rock. Originel, charnel, puissant. Elle sait, sur sa Jazzmaster, qu’avoir un tel jeu au doigt a coûté son âme à Robert Johnson. Elle ne semble pas y prêter une attention particulière. Comme à rien d’autre d’ailleurs que sa musique. Nerveuse, tendue, sombre et attirante, sans être séductrice, aux (ch)armes cachées, comme un rappel de ce qu’a été et doit continuer d’être le rock depuis 55 ans. Une leçon de fusion musique/interprète jusqu’au trouble. Une violence intérieure, intégrée, débordant parfois de cette Méduse menaçante.

shannon wright,shannon,wright,alhambra

Trois femmes comme autant de possibilités d’envisager un avenir radieux pour le rock. Trois expressions de la Terribilità. Trois débordements qui attirent vers le gouffre. Trois incarnations décrivant une nouvelle Trinité. Forcément inversée... et renversante.

jeudi 15 octobre 2009

Rien n'est vrai, tout est permis.

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Death in June est un groupe mythique, mystique et mystérieux. Des ambiances funéraires et glaciales se déploient par une musique "dark folk" mais également par un souci constant à l'élaboration d'un univers complexe. DIJ s'inspire aussi bien de l'occultisme que de l'histoire européenne oubliée (volontairement ou non). Jouant avec des symboles tendancieux (la "totenkopf" ou la "Whip-Hand"), ils parviennent toujours, par téléscopage et confrontation, à construire une imagerie cohérente et puissante. Mais ce qu'ils recherchent avant tout c'est ritualiser la musique.
L'album Nada (1985), particulièrement, (bien que selon Douglas Pierce, Brown Book en serait un meilleur exemple) incarne cette volonté d'explorer à la fois le paganisme, l'ésotérisme et l'histoire. Mais ce qui nous intéresse ici, c'est la pochette mystérieuse qui accompagne l'oeuvre musicale.
Trois hommes (Pierce, Leagas, Wakeford/Tibet ?) de dos, sont face à un mur, comme se recueillant devant un autel. Au sol, une dalle en marbre ornée d'une croix latine se veut être le receptacle sacré d'un crâne et de trois épées. A la fois tapis de loge maçonnique et espace rituel, ce socle, derrière un portail ouvert, nous convie à la "cérémonie". Cette image ambigue, empreinte d'hermétisme, questionne.
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Certains artistes s'y sont d'ailleurs intéressés de près. Le norvégien converti américain Gardar Eide Einarsson présente actuellement à la galerie Bugada/Cargnel une peinture "Nada(1985)" y faisant directement allusion. Dans un jeu de clair-obscur ultra contrasté, cet "outlaw" de l'image n'a gardé que le personnage central (Pierce). Les éléments du décor sont noyés dans cette pénombre inquiètante. On connaît l'intérêt récurrent d'Einarsson pour des sujets controversés imbibés de violence, de questionnement de l'autorité, et d'analyse du pouvoir. Revisitant sans cesse une iconographie riche et hétérogène, il creuse et révèle avec minimalisme ce qui dérange. On peut facilement imaginer ce qui, chez Death In June, a pu l'intéresser. De manière plus distancée, l'artiste anglais Seb Patane a lui aussi fait allusion à cet album dans " 93 dead sunwheels" (il existe deux versions de cette pièce) et à DIJ en général dans l'installation "Kollapsing new people". "93 dead sunwheels" est aussi le titre d'une compilation de DIJ dont la pochette reprend celle de Nada, avec cette fois-ci un néophyte en rite de passage... Aussi, les artistes sont-ils également en quête de ritualisation ou cherchent-ils à nous initier ?
Plusieurs messes sont célebrées : du Palais de Tokyo à la galerie Bugada en passant par la fondation Ricard, Gardar Eide Einarsson prophétise. Et bientôt Seb Patane chez Maureen Paley... On vous aura prévenu...

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Gardar Eide Einarsson, Nada (1985), 2009, acrylique et crayon sur toile, 160 x 120 cm

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Seb Patane, 93 Dead Sunwheels, 2005, pupitres peints, encre, pochettes de dique, 150x80x40 cm

mardi 6 octobre 2009

Suicide Circle.

Cette semaine, vous n'entendez parler que de cela: la Fashion Week... Bon, s'il est vrai que l'art et la musique ont toujours été très influents vis-à-vis du milieu de la mode, notons quand même que cela fait un moment que l'on nous inonde de "rock attitude". Le rock devient cliché. Alors, on creuse, on se joue d'heurétique, on veut excaver la référence ultime... Et depuis quelques temps, on redécouvre le Black Metal et son potentiel esthétique puissant. Dans l'art bien sur (Violette, Meelgard, Gumhold et bien d'autres) où le BM se révèle être un outil tout a fait pertinent, mais dans la mode, ne sont récupérés que sa superficialité et son apparente violence (cf : Anti Sweden).
Citons donc, parmi d'autres, certains de ces créateurs qui ont déterrés les looks de ces jeunes guerriers nordiques : Rick Owens, notamment sa collection DRKSHDW, Jaiden rva James ou encore Ann Demeulemeester.
Mais les plus inspirés sont quand même Alexandre Herchcovitch qui en 2009 proposait un défilé où le "corpse paint" faisait son grand retour, et dernièrement, le jeune Austin Sherbanenko et sa marque aux accents scandinaves Odyn Vovk (alors que ce n'est que de l'ukrainien mais dont la traduction "un loup" n'est pas sans rappeler le Fenrir). Vu aussi la black metal barbie...Brrr!
Le black metal est partout et même jusque dans vos salles de cinéma... Le documentaire Until the Lights takes us de Audrey Ewell et Aaron Aites, en pleine tournée européenne actuellement, vous replonge aux côtés des acteurs principaux du mouvement, dans les heures sombres de la Norvège des années 90. Pas de grandes découvertes pour les initiés, mais c'est toujours un regard intéressant. Et enfin, c'est Hollywood qui s'apprête a nous délivrer une version de "Lord of Chaos", ouvrage contesté et incontestable sur ledit mouvement, après avoir longtemps intéressé Asia Argento, l'histoire sera mise en lumière par Shion Sono... Autant dire que le Black fait encore beaucoup de bruit, et le silence imposé par l'attente d'un nouvel album de Burzum ne fait rien pour arranger cela... Et si ce n'était tout simplement pas l'heure de son suicide ?

Rick Owens
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Alexandre Herchcovitch S/S 08
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Odyn Vovk
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D-Mode magazine, Octobre 08 "black metal barbies"
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