On l'a vu, l'art s'infiltre dans l'esthétique visuelle de bon nombre de video clip. Comme un gage d'intellectualisation, ces références tentent avant tout un rapprochement, voire une unification de la high and low culture. Certains font appel au dernier trublion de la création contemporaine, alors que d'autres recyclent les grands noms. Jay-Z depuis quelques temps flirte avec l'art contemporain et s'achète une légitimité et une credibilité intellectuelle... Mais à qui profite le crime ?
Ce n'est pas une découverte. Pour son dernier album, le rappeur américain a posé les bases d'une attitude iconoclaste ostentatoire par la réappropriation ou la pratique citationelle (la pochette). Procédé confirmé au regard de la video de ce quatrième single "On to the next one". Quelles sont dès lors les limites entre l'hommage et la simple récupération mercantile d'éléments piochés dans l'histoire de l'art récente ?
Si celui-ci déclare depuis 2008 s'intéresser particulièrement à l'art, aime à se montrer à la Art Basel Miami, ou se vante de posséder un Damien Hirst, il semble que l'art lui a permis d'accéder à un niveau supérieur, et de devenir un ami de Larry Gagosian. Ses confrères, Kanye West (citant Koons ou Urs Fischer) ou Pharell Williams (Murakami) le suivent dans cette tentative de coalition. Avec ce clip, fonctionnant comme un tumblr, il poursuit cette quête de perfection mais finit par tomber dans l'accumulation facile.
Dans une esthétique froide, dense, à la chromatique décharnée, se côtoient référents artistiques et éléments symboliques forts. Si certains tentent, dans une paranoïa proche du délire mystique, de déceler dans ces allusions occultes un rapprochement à la franc-maçonnerie ou aux illuminatis, il serait plus intéressant dans un premier temps de comprendre ce qu'apporte l'art contemporain à la musique hip-hop... et à Jay-Z en particulier...
Le clip n'est qu'une longue liste de citations dont le référent principal est le crâne médiatique de Damien Hirst “For The Love of God”. La réplique que l'on voit ici, est progressivement recouverte de peinture blanche puis noire. Le potentiel esthétique de cette oeuvre donne une valeur ajoutée à l'atmosphère déployée dans ces images...
Puis on pense à Mattia Biagi (lorsqu'apparaissent le marteau noyé dans la peinture ou le crâne de canidé), à Julian Dashper (avec cette installation aux neons), à Banks Violette (avec l'utilisation de flight cases comme support scénique), à Jeff Koons (avec les ballons de basket, bien qu'on pourrait y voir une destruction du père dès lors que ceux-ci sont enflammés), à Mark Wallinger ou Marc Bijl avec cet imposant cheval, à Hirst encore (avec les pillules).
Jay-Z democratise-t-il l'art contemporain ou profite-t-il d'une puissance qu'il peine à trouver ?... Il est plus humiliant d'être suivant que suivi... A moins que l'on ne soit passés à côté d'une critique acerbe du marché (qu'il soit artistique ou musical).
dimanche 31 janvier 2010
mardi 26 janvier 2010
De Charybde en Scylla.
Faire se rencontrer des éléments hétérogènes, provoquer des associations détonnantes, relève soit d'un désir créateur exigeant et curieux, soit d'un inquiétant coup du sort. Car les mélanges quels qu'ils soient ne sont pas forcément sources de renouveau visuel. Les chocs produits sont parfois de formidables éléments d'analyse... Dès lors que ces procédés combinatoires sortent des arts visuels, leur perception n'en est que plus décalé.
Citons deux exemples, l'un heureux l'autre moins...
Un critique américain, Ian Christe, connu pour son regard averti sur la scène métal internationale a monté il y a deux ans une maison d'édition Bazillion Points. Fait intéressant, Bazillion Points s'est consacré à l'édition d'ouvrages très spécialisés, où l'underground se terre au plus profond... Et, il y a notamment ce livre improbable de cuisine : "Hellbent for cooking" par Annick "Morbid Chef" Giroux.
En grande adoratrice de la musique de Satan, en ce qu'elle peut avoir de plus lourd, elle a déclaré la guerre à la malbouffe et tente de faire voler en éclat le mythe du metal-head buveur de bière et dévorateur de chips. Mais c'est là qu'est notre propos : que donne l'étonnante rencontre de l'art culinaire et de la musique metal ? L'abandon de soi dans la rébellion extrême, la fascination pour le morbide, et la misanthropie communautariste du metal amènent-ils à la célébration de la vie par les plaisirs gustatifs ? Le livre, au-delà de révéler des recettes venues des quatre coins du monde, donnent la paroles aux musiciens... Et si Mayhem vous invitait à déguster un petit Fårikål... L'idée est aussi loufoque qu'ingénieuse.
Pour d'autres, les mélanges des genres sont plus que déroutants et fascinent par l'incongruité de leur symbolique...
Marilyn Manson affublé d'un t-shirt SMET questionne. Il y a là comme un choc esthétique étourdissant, comme une antonimie vulgaire. Seulement Smet, marque kitsch du non moins kitsch Christian Audigier, ne porte pas aux US la même symbolique qu'en France. En d'autre mot : que produit la rencontre fortuite de Marilyn Manson et de Johnny Hallyday (sur une table de dissection) ?
Les caractères profondément opposés des deux référents amènent un non sens, témoignent d'un geste dont l'absurde tend vers le surréalisme. A l'heure où les stars ne sont plus que des hommes sandwich (celebrity wear), on ne s'intérroge plus sur ce qui crée du sens ou sur ce qui au contraire annihile... Manson en Gareth Pugh c'est quand même plus digeste. Question de champ lexical...
Citons deux exemples, l'un heureux l'autre moins...
Un critique américain, Ian Christe, connu pour son regard averti sur la scène métal internationale a monté il y a deux ans une maison d'édition Bazillion Points. Fait intéressant, Bazillion Points s'est consacré à l'édition d'ouvrages très spécialisés, où l'underground se terre au plus profond... Et, il y a notamment ce livre improbable de cuisine : "Hellbent for cooking" par Annick "Morbid Chef" Giroux.
En grande adoratrice de la musique de Satan, en ce qu'elle peut avoir de plus lourd, elle a déclaré la guerre à la malbouffe et tente de faire voler en éclat le mythe du metal-head buveur de bière et dévorateur de chips. Mais c'est là qu'est notre propos : que donne l'étonnante rencontre de l'art culinaire et de la musique metal ? L'abandon de soi dans la rébellion extrême, la fascination pour le morbide, et la misanthropie communautariste du metal amènent-ils à la célébration de la vie par les plaisirs gustatifs ? Le livre, au-delà de révéler des recettes venues des quatre coins du monde, donnent la paroles aux musiciens... Et si Mayhem vous invitait à déguster un petit Fårikål... L'idée est aussi loufoque qu'ingénieuse.
Pour d'autres, les mélanges des genres sont plus que déroutants et fascinent par l'incongruité de leur symbolique...
Marilyn Manson affublé d'un t-shirt SMET questionne. Il y a là comme un choc esthétique étourdissant, comme une antonimie vulgaire. Seulement Smet, marque kitsch du non moins kitsch Christian Audigier, ne porte pas aux US la même symbolique qu'en France. En d'autre mot : que produit la rencontre fortuite de Marilyn Manson et de Johnny Hallyday (sur une table de dissection) ?
Les caractères profondément opposés des deux référents amènent un non sens, témoignent d'un geste dont l'absurde tend vers le surréalisme. A l'heure où les stars ne sont plus que des hommes sandwich (celebrity wear), on ne s'intérroge plus sur ce qui crée du sens ou sur ce qui au contraire annihile... Manson en Gareth Pugh c'est quand même plus digeste. Question de champ lexical...
lundi 18 janvier 2010
Invasions scandinaves, suite.
On l'a vu à plusieurs reprises, rock et art s'encanaillent et se frictionnent. Il va sans dire que la musique du diable n'est pas l'apanage des télescopages. La musique électronique séduit et inspire également les artistes. Sa froideur et sa technicité drainent bien des idéaux post-modernes. Autant de concepts propres à divers gestes esthétiques : mix, cut, dubbing... Certains se vouent aux dispositifs sonores les plus complexes, d'autres dissocient leur pratique artistique de celle, musicale.
Kim Hiorthoy le fait très bien...
Il est sur tous les fronts. A la fois musicien, graphiste et artiste, ce norvégien a plus d'un tour dans son sac. D'abord (re)connu pour son travail graphique, son identité visuelle s'est vite étendue et élargie. Le label Rune Grammophone lui confie d'ailleurs la totalité des visuels à réaliser. Comme volonté d'unification, il n'y a pas mieux. Puis, des visuels aux sons, il n'y a qu'un pas. En 2001, il sort son premier album "Hei" chez Smalltown Supersound (son label). Imposant déjà un style particulier, entre épuration, simplicité et mélodie faussement généreuse, ses "oeuvres" suivantes n'en seront qu'une savante continuité.
"tago mago" 2007- kunsthalle bergen
Il avait commencé à composer aux Beaux-Arts de Trondheim...tout était déjà entremêlé. Le visuel s'inspirant du sonore et vice versa. Quelques disques plus tard, poursuivant sa quête infinie, l'hyperactif touche à tout gagne également une certaine reconnaissance pour son travail pictural. Représenté par l'excellente galerie Standard à Oslo mais également par Juliette Jongma, son oeuvre, souvent dessinée, mixe souvenirs enfantins, agencements hybrides et géométrie.
"pictures" 2007 -pencil on paper
Kim Hiorthoy surprend surtout par cette grande avidité créatrice, aussi fier de travailler pour Motorpsycho, que d'être l'agile homme orchestre derrière son ordinateur, que de manier un simple crayon de bois...
Et s'il n'était finalement plus question de dénominations, s'il n'y avait plus de frontières entre les styles...
Kim Hiorthoy le fait très bien...
Il est sur tous les fronts. A la fois musicien, graphiste et artiste, ce norvégien a plus d'un tour dans son sac. D'abord (re)connu pour son travail graphique, son identité visuelle s'est vite étendue et élargie. Le label Rune Grammophone lui confie d'ailleurs la totalité des visuels à réaliser. Comme volonté d'unification, il n'y a pas mieux. Puis, des visuels aux sons, il n'y a qu'un pas. En 2001, il sort son premier album "Hei" chez Smalltown Supersound (son label). Imposant déjà un style particulier, entre épuration, simplicité et mélodie faussement généreuse, ses "oeuvres" suivantes n'en seront qu'une savante continuité.
"tago mago" 2007- kunsthalle bergen
Il avait commencé à composer aux Beaux-Arts de Trondheim...tout était déjà entremêlé. Le visuel s'inspirant du sonore et vice versa. Quelques disques plus tard, poursuivant sa quête infinie, l'hyperactif touche à tout gagne également une certaine reconnaissance pour son travail pictural. Représenté par l'excellente galerie Standard à Oslo mais également par Juliette Jongma, son oeuvre, souvent dessinée, mixe souvenirs enfantins, agencements hybrides et géométrie.
"pictures" 2007 -pencil on paper
Kim Hiorthoy surprend surtout par cette grande avidité créatrice, aussi fier de travailler pour Motorpsycho, que d'être l'agile homme orchestre derrière son ordinateur, que de manier un simple crayon de bois...
Et s'il n'était finalement plus question de dénominations, s'il n'y avait plus de frontières entre les styles...
samedi 2 janvier 2010
Du refus comme oeuvre.
2010 est là et laisse entrevoir nombre de nouvelles perpectives. Alors que certains trépignent d'impatience de voir le dernier Scorsese, d'autres, plus rêveurs, attendent la coupe du monde et les plus desespérés comptent sur la fin du monde (si si en septembre !)...
Mais il y a aussi des micro-événements qui s'apprêtent à bousculer toute une microsphère... En effet, les milieux dits undergrounds aussi sont en attente. D'un renouveau ? D'un retour ?
Pour ceux-là, Varg Vikernes, depuis sa sortie en mai dernier d'une part, mais surtout depuis décembre, est le centre de toutes les attentions. Le plus connu des vikings prépare depuis quelques temps déjà un nouvel album et sème çà et là des informations que viennent glaner chaque semaine ses fans et autres détracteurs... Certains l'attendent comme le messie, buvant chacune de ses paroles, d'autres guettent le moindre faux pas de la bête.
Dès l'annonce du titre du dit album, la controverse enfle. "Den Hvite Guden ", le "dieu blanc", laissait transparaitre à qui voulait bien le voir, quelques relents proche d'un certain darwinisme social... Le huitième album s'appelera finalement "Belus", d'après le nom d'une divinité solaire, et en sera le récit musical de sa vie, dont la mort serait le fondement de la naissance de l'Europe.
La pochette, quant à elle, a également connu quelques modifications... Sur le site burzum.org, le visuel s'est révélé en plusieurs étapes, nous laissant tremblant entre chaque nouvel essai. D'un ensemble inspiré de la statuaire grecque, on découvre finalement une vue de forêt noyée sous des rayons matinaux rasants. L'utilisation d'une photographie surprend tant Burzum nous avait habitué à recourir aux illustrations d'inspiration mythologique. Puis, la vue est passée en negatif ; les couleurs froides et mystérieuses laissant place à une ambiance spectrale. Le travail graphique est grossier et dénote d'un certain détachement quant à l'identité de ce nouvel opus.
Enfin, le logo, lui aussi, s'est vu renaître de ses cendres. L'ancienne typo gothique simple mais efficace disparait au profit (?) d'une police toujours gothisante mais ornée de motifs floraux, un brin plus complexe. S'il est vrai que Burzum a connu plusieurs logos ( sur les démos notamment...), le changement brutal brouille encore une fois les pistes. Là où l'on tente de déchiffrer l'indéchiffrable, n'y a-t-il finalement pas que refus et déni d'identité ?
Varg expliquait lui-même très bien sa volonté de ne pas suivre les tendances du black metal, notamment en choisissant une typo simple et dépouillée, il nous révèle maintenant son désir de voir renaître le groupe, de lui ofrir une nouvelle vie, un nouveau visage. La police choisie ici et récupérée sur un site de téléchargement gratuit montre bien le non intérêt pour la chose esthétique. Varg Vikernes s'est demarqué par sa volonté de ne pas être un suiveur mais il ne se veut pas non plus original. Il se moque aujourd'hui de faire ce qui, peut-être, a déjà été fait. Il est dans l'action. Une action du refus. Il est ce personnage intriguant et inquiétant dont le pouvoir persiste.
Burzum voudrait se définir par son essence et non par une quelconque incarnation visuelle. Burzum voudrait ne pas avoir besoin d'être Burzum pour exister.
La musique ne se voit pas mais s'entend, espérons pour cela que ce qu'il a à offrir aux oreilles du monde soit digne de ses espoirs...
Mais il y a aussi des micro-événements qui s'apprêtent à bousculer toute une microsphère... En effet, les milieux dits undergrounds aussi sont en attente. D'un renouveau ? D'un retour ?
Pour ceux-là, Varg Vikernes, depuis sa sortie en mai dernier d'une part, mais surtout depuis décembre, est le centre de toutes les attentions. Le plus connu des vikings prépare depuis quelques temps déjà un nouvel album et sème çà et là des informations que viennent glaner chaque semaine ses fans et autres détracteurs... Certains l'attendent comme le messie, buvant chacune de ses paroles, d'autres guettent le moindre faux pas de la bête.
Dès l'annonce du titre du dit album, la controverse enfle. "Den Hvite Guden ", le "dieu blanc", laissait transparaitre à qui voulait bien le voir, quelques relents proche d'un certain darwinisme social... Le huitième album s'appelera finalement "Belus", d'après le nom d'une divinité solaire, et en sera le récit musical de sa vie, dont la mort serait le fondement de la naissance de l'Europe.
La pochette, quant à elle, a également connu quelques modifications... Sur le site burzum.org, le visuel s'est révélé en plusieurs étapes, nous laissant tremblant entre chaque nouvel essai. D'un ensemble inspiré de la statuaire grecque, on découvre finalement une vue de forêt noyée sous des rayons matinaux rasants. L'utilisation d'une photographie surprend tant Burzum nous avait habitué à recourir aux illustrations d'inspiration mythologique. Puis, la vue est passée en negatif ; les couleurs froides et mystérieuses laissant place à une ambiance spectrale. Le travail graphique est grossier et dénote d'un certain détachement quant à l'identité de ce nouvel opus.
Enfin, le logo, lui aussi, s'est vu renaître de ses cendres. L'ancienne typo gothique simple mais efficace disparait au profit (?) d'une police toujours gothisante mais ornée de motifs floraux, un brin plus complexe. S'il est vrai que Burzum a connu plusieurs logos ( sur les démos notamment...), le changement brutal brouille encore une fois les pistes. Là où l'on tente de déchiffrer l'indéchiffrable, n'y a-t-il finalement pas que refus et déni d'identité ?
Varg expliquait lui-même très bien sa volonté de ne pas suivre les tendances du black metal, notamment en choisissant une typo simple et dépouillée, il nous révèle maintenant son désir de voir renaître le groupe, de lui ofrir une nouvelle vie, un nouveau visage. La police choisie ici et récupérée sur un site de téléchargement gratuit montre bien le non intérêt pour la chose esthétique. Varg Vikernes s'est demarqué par sa volonté de ne pas être un suiveur mais il ne se veut pas non plus original. Il se moque aujourd'hui de faire ce qui, peut-être, a déjà été fait. Il est dans l'action. Une action du refus. Il est ce personnage intriguant et inquiétant dont le pouvoir persiste.
Burzum voudrait se définir par son essence et non par une quelconque incarnation visuelle. Burzum voudrait ne pas avoir besoin d'être Burzum pour exister.
La musique ne se voit pas mais s'entend, espérons pour cela que ce qu'il a à offrir aux oreilles du monde soit digne de ses espoirs...
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