mercredi 23 décembre 2009
Possessions diaboliques.
En ces temps de fêtes, il y a toujours un morceau inédit, un live improbable à révéler et s'il n'y a rien, c'est le packaging qui se voudra original. Ainsi fleurissent en tête de gondole ou sur internet, nombre de best of, éditions limitées deluxe, produits dérivés et dérivants.
Il faut voir également derrière ces opérations commerciales une tentative de palier aux chutes de ventes de CD. Le désintérêt croissant envers ce mode d'écoute coïncide avec la recrudescence de prestations améliorées, prestigieuses des produits. La rareté pousse davantage à la possesion. Ainsi, les prix de ces objets luxueux frôlent parfois des sommets...
Certains se feront plaisir cette année en s'offrant le coffret Minotaur des Pixies (les 5 albums du groupe, un cd plaqué or (?), un vinyl, un DVD, un blu-ray (??) et autres livrets et affiches), d'autres chercheront le plaisir avec le coffret Liebe ist fur alle de Rammstein (6 godemichets moulés sur les "membres" du groupes, des menottes, du lubrifiant, et quand même le dernier album...). Gare au péché de la tentation...
Il est intéressant de constater que l'intérêt pour l'objet grandit proportionnellement à son prix. On peut observer le phénomène inverse dans l'art contemporain. Les oeuvres souvent inabordables trouvent des équivalents "slow play". En proposant des multiples, affiches, badges, éditions diverses, les artistes nous tendent un peu la main...
Les produits issus de l'industrie musicale se veulent parfois être des objets d'art alors qu'au même moment les artistes s'invitent dans votre quotidien...
En terme purement marchand et spéculatif, peut-être vaut-il encore mieux miser sur l'art lui même... A vous de choisr votre péché...
mercredi 16 décembre 2009
Du crâne à la ligne.
Le metal, dans son acceptation la plus large, est un genre dont le graphisme des pochettes a une importance toute particulière. Comme pour beaucoup, son univers visuel s'enracine et se confond avec le musical. Mais un nombre important de pochettes privilégie l'illustration, la peinture, autrement dit la participation et l'implication humaine. Les graphistes deviennent des artistes... les artistes deviennent par la force des choses des illustrateurs. Bien sûr, certains comme Larry Caroll (Slayer...), Ed Repka (Death...), Derk Riggs (Maiden...), Vincent Locke (Cannibal Corpse), ou Andreas Marschall (Obituary...) ont défini des codes identifiables et balisés faits de heroic fantasy, science-fiction, scènes macabres, mythologies... S'il est vrai que l'histoire de la pochette dans le heavy metal pourrait sembler figée, au regard de l'apparition de sub-genres, celle-ci évolue quelque peu. Ce milieu n'est pas fait que de zombies, squelettes, cadavres déchiquetés, croix, boucs... Le champ sémantique s'élargit au même rythme que la palette sonore. Des nouveaux courants apportent de nouveaux visuels...
En effet des groupes comme Isis, Pelican, Boris, Sunn O))) voient l'avènement d'un nouveau graphisme, plus sophistiqué, plus intuitif, frôlant parfois avec l'abstraction... Les ossements ne sont pas pour autant mis au placard mais il faut bien avouer que le style s'enrichit avec finesse et intelligence. Le problème, qui ne semble pas nouveau pourtant dans le milieu, c'est la récurrence des mêmes auteurs et du coup la standardisation d'un même style. Justin Bartlett ou Seldon Hunt envahissent quelque peu le territoire. Remontons un peu dans le temps et prenons l' exemple de Necrolord. Ce talentueux illustrateur suédois a, par la grande visibilité de son travail, noyé l'identité des groupes. Par la reproduction systematisée de son style, on assiste à l'effacement de la spécificité... N'achetez pas le même jour Sacramentum, Necrophobic, Morgana Lefay, Dissection, Dark Funeral et Emperor, vous aurez l'impression d'avoir 6 fois le même disque... Bartlett et Hunt sont comme des princes, des expositions leur sont même consacrées... S'il est vrai que leur syle respectif (d'un dessin ciselé, englué dans un noir saignant à une abstraction numérisée et complexe) fait d'eux des créateurs à part entière, leur statut n'est pas celui d'un artiste.
Si, à l'instar de Chuck Schuldiner (ayant réalisé le logo de Death, son propre groupe), Stephen O'Malley, Aaron Turner (de Isis) délaissent le manche de guitare pour les pinceaux (ou le stylet), il est appréciable de voir ces musiciens être impliqués dans l'architecture visuelle. Sans aucune complaisance mais d'une manière peut-être plus détachée, ils déambulent dans des méandres esthétiques plus librement. Cette nouvelle génération d'illustrateur est assez prometteuse (notamment avec Arik Roper) en ce qu'elle parvient à enrichir le genre pourtant très caricatural (croit-on). L'illustration est un art qui n'en est pas un. Si peu de groupes trouvent dans l'art contemporain un ambassadeur esthétique (à part, et citons les encore un peu plus, Sunn O))), avec Monoliths & Dimensions), beaucoup ont trouvé chez les classiques un étendard. Gustave Doré, Albrecht Dürer, William Blake sont très "metal" finalement... D'autres ont préféré le charme et le charisme d'illustrateurs du XIXe comme Burzum avec Kittelsen... On s'étonne dès lors que des illustrateurs comme Albín Brunovský ou Harry Clarke n'aient pas connu un adoubement musical. La frontière est finalement bien spongieuse entre toutes ces sphères. Mais les intérets premiers sont pourtant si éloignés.
Enfin, et par phénomène de répercussion, certains artistes contemporains s'inspirent largement de cette imagerie foisonnante comme par exemple l'excellent Jay Heikes, et par palingénésie, on pourrait voir les frères Quistrebert être appelés à leur tour.
Rejouissons-nous enfin de cette lente mais certaine évolution du graphisme dans la musique metal. Il faut apprendre à voir où le mal se cache... Il est ce baphomet menacant mais peut aussi se cacher derrière une simple ligne droite...
samedi 12 décembre 2009
Do It Better.
A ajouter à notre classification ci-dessous, dans la catégorie semper gaudium : Richard Wright.
Il n'est pas cet écrivain noir à la plume trempée de courage, il n'est pas non plus ce musicien psychédélique au clavier ténébreusement jazzy, et encore moins ce gardien de but aussi à l'aise dans une cage que sur un tracteur. Richard Wright est artiste, et qui plus est, artiste anglais. Cette précision identitaire trouve une pertinence toute particulière au regard du rapport qu'entretient l'artiste avec la musique. Adoubé récemment par l'establishement anglais sous le glaive du Turner Prize, Richard Wright voit enfin son travail devenir oeuvre aux yeux du grand public. Et de ce fait, cette médiatisation soudaine met en lumière son autre activité : la musique donc. Richard Wright est également le guitariste du groupe Correcto. Il faut dire que la présence du batteur des Franz Ferdinand au sein de celui-ci avait déjà attiré quelques curieux...
jeudi 10 décembre 2009
Théorie synthétique de la mutation de la musique par l'art.
Musique et art contemporain sont pieds et poings liés. Le réseau d'interactions qui les relie est immense. Il existe un phénomène, observé depuis un certain temps, qui corrobore notre propos. Il s'agit de la naissance de groupes de rock au sein des écoles d'art ou créés par des artistes eux-mêmes. Il y a ceux qui s'y essaient pour parfaire leur formation artistique (question de sensibilité) et ceux qui poursuivent malgré tout, et parfois assez discrètement, une double activité : artiste et musicien. Le nombre des musiciens professionels ayant fait des écoles d'art est bien trop important pour être abordé ici.
Dans les deux catégories citées, appelons-les "unicus" et "semper", on observe deux sous-ordres. Les groupes dont la musique est le prolongement des oeuvres plastiques de leurs auteurs-artistes : les "continuum" ; et ceux dont la musique est à percevoir simplement comme source d'inspiration, comme vécu expérimental et jouissif, les "gaudium".
Cette classification s'intéresse exclusivement aux artistes connus dans un premier temps pour leur travail artistique et jouant dans des groupes (dans un principe d'extériorisation).
Observons désormais de plus près chacune des catégories à l'aide d'un échantillonage :
Unicus Gaudium
Menthol Wars - Robert Longo + Richard Prince
The Poetics - Tony Oursler + Mike Kelley
Fat Les - Damien Hirst
DonATeller / Jack to Jack - Mark Leckey
Boy Hairdressers - Jim Lambie
Floppy - Georgina Starr
The Perfect Me - Thaddeus Strode + Jim Shaw + Marnie Weber
Unicus Continuum
Les Ruines Prochaines - Pipilotti Rist
UJ3RK5 - Rodney Graham + Jeff Wall + Ian Wallace
Mon Ton Son - Christian Marclay
Black Dice
Semper Gaudium
Black Dice - Bjorn Copeland
Mars - Nancy Arlen
Mittagspause - Markus Oehlen
Workshop - Kai Atloff
The Sea and Cake - Sam Prekop
Split - Jacques Julien + Hugues Reip + Dominique Figarella
DJ Sid - Sidney Stucki
Big Buttom - Angela Bulloch
Ken Ardley Playboys - Bob & Roberta Smith
Lowest Expectation - Angus Fairhurst
Stone Roses - John Squire
The Customers - Daniel Pflumm
Idiots - David Ancelin
Angel blood - Rita Akerman
The Rodney Graham Band - Rodney Graham
Marnie - Marnie Weber
Gotterdammerung - Marc Bijl
10Lec6 - Simon Bernheim
Gang Gang Dance - Brian Degraw
The voluptuous horror of Karen Black
Semper Continuum
Electrophilia - Steven Parrino + Juttah Koether
The Voluptuous Horror of Karen Black - Kembra Pfahler
New Humans - Mika Tajima
Herme(neu!)tic rock - Elodie Lesourd
DNA - Robin Crutchfield
Luxus - Martin Kippenberger
Van Oehlen - Albert + Marcus Oehlen
Destroy All Monster - Mike Kelley +Jim Shaw
Oneida - Martin Creed
Au regard de ce fragment de classification non exhaustive, on se rend compte que la plupart des groupes montés par des artistes n'ont pas de prétentions artistiques ou performatives. La musique, et le rock en particulier, est avant tout un mode de vie. Mais la frontière art/musique est assez mince et le fait de jouer dans un musée ne fait pas d'un groupe une oeuvre, et inversement....
Electrophilia